Bourg Saint Maurice - À l'assaut d'un rêve: un vol dans le Beaufortain

Contexte

Nous voilà mi-Juillet, j'ai accompli deux de mes trois objectifs de l'année: commencer la QBi et passer les 100km. Il n'en reste qu'un: voler dans le Beaufortain (Oui j'ai déjà fait des ploufs l'hiver là-bas, mais là je parle de vrai vol).

Depuis quelques jours avec Rémi (Toujours la version Pyrénéenne), nous étions dans une mentalité à tenter des vols sacrément optimistes. Mais bizarrement la plupart du temps tout se déroulait comme prévu... Ce qui n'était pas attendu: De beaux triangles à Vallouise (Récit, Vidéo, CFD), un cross en partant à 18h de Chamrousse (Posé après 21h) (CFD) et pour finir nos passages simultanées des 150km (Récit, Vidéo, CFD). Bref tous les jours on inventait un plan de vol autour de bières et il devenait réalité.

Après une pause un peu trop festive à Annecy, nous fuyons bien loin dans un massif pour éviter l'appel des bars. Nous voilà à Bourg Saint Maurice.

Préparation du vol

Les prévisions annoncent beaucoup de stabilité en basse couche mais aussi de sacrés plafs. En pleine canicule, les conditions semblent redevenir plus habituelles par rapport au 14 Juillet (Cette journée était vraiment folle). Le vent est donné pour être entre du N et du NO forcissant au cours de la journée.

En composant quelques vols déjà réalisés, j'établis un plan de vol avec un maximum de portions connues:

  • Grand Bo / Chamonix / Roselend en 2019 (Vidéo Un poil longuette cette vidéo)
  • Varan / Mont Charvet / Passy en Avril (Vidéo)

Pour la première branche du triangle, deux choix s'offrent à nous: soit passer par le milieu du Beaufortain, soit par le massif du Mont Blanc. On hésite longuement, mais la stabilité en basse couche me pousse à éviter le Beaufortain pour les hauts massifs.

Il faut maintenant voir comment atteindre le massif du Mont Blanc. J'imaginais passer le col du Bonhomme pour suivre la crête jusqu'à l'aiguille de Bionassay. De là, les transitions vers Cham, puis Passy ne doivent pas présenter trop de difficultés. Dans ma tête, la branche connue jusqu'au Mont Charvin n'est qu'une formalité (C'est beau comme on peut être optimiste en consultant une carte).

Arrivé au bout des Aravis, je dois ensuite atteindre la Dent de Cons, que je n'avais pas osé le faire en Avril, puis viser le Mont Mirantin. Pour finir de boucler de le parcours, je compte suivre les faces Sud du Beaufortain jusqu'à atteindre Bourg Saint Maurice. Je veux éviter de me retrouver bloqué dans le Beaufortain alors je me garde le joker de la vache en Maurienne. Je ne suis par contre pas du tout arrêté sur le trajet du retour comme je n'ai jamais volé sur cette portion. Spoiler: Le plan de vol va être bien adapté.

Avant le vol

Après une montée grâce à la navette mise en place par le club local, nous nous retrouvons avec trois pilotes voulant crosser: Deux jeunes locaux et un pilote rencontré 3 ans plus tôt au Grand Bo. Depuis le fort de la Platte, les locaux nous montrent un déco un peu plus haut dans les alpages. Craignant les basses couches nous les suivons pour gagner quelques précieuses dizaines de mètres. Nous surplombons le fort tandis que le déco officiel est un peu plus bas que celui-ci.
Chacun des pilotes décollant du fort partent inexorablement pour un plouf (C'était peut-être aussi leur volonté). Mais nous voilà tout d'un coup beaucoup moins optimiste. La stabilité nous fait peur.

Extraction

Rémi et moi laissons les trois autres pilotes partir en fusible. Les deux premiers arrivent à monter relativement rapidement. Tandis que le troisième zérote un bout de temps au-dessus du fort. Je prends mon envol et j'observe beaucoup le collègue pour exploiter au mieux l'ascendance. Etant plus haut que lui, je réussis peu à peu à m'élever pour atteindre une hauteur plus confortable. Rémi nous rejoint mais semble passer à côté du thermique et se retrouve vite plus bas que le fort.

Alors que je gagne 500m, Rémi continue à descendre. Je comprends rapidement qu'il est entré dans les basses couches stables. En effet, peu après il se retrouvera posé. Je comprends que je ne dois mon extraction qu'à l'observation du fusible précédent. La masse d'air était vraiment sélective.

J'observe les deux jeunes locaux faire le plaf au-dessus de la Pointe de Combe Neuve. Le temps que je les rejoigne, ils filent à travers le Beaufortain vers le Rocher du Vent. Arrivé à 3500m, je me pose encore la question du choix de plan de vol: suivre les locaux ou chercher les hauts massifs.

Le plaf au-dessus de la Pointe de Combe Neuve

En avant vers le Mont Blanc

Je me force à garder mon plan de vol et je décide d'avancer vers le Mont Blanc qui m'attire comme un phare. Une première petite transition m'emmène sur la Pointe de la Terrasse. Ensuite l'impro commence. Je cherche à passer le Col du Bonhomme mais au milieu de la transition je me rends compte que je serais sûrement trop bas pour passer cette crête et que la réserve des Contamines m'attend de l'autre côté. Je décide donc de viser la Pointe de Mya bien exposée en SE.

Début de transition vers la Roche de Mya
Une belle première vue sur le Beaufortain

Un thermique me fait atteindre les 3800m et me permet d'être bien à l'aise au-dessus de la crête. Je chemine le long de cette crête en direction du Glacier de Tré la Tête et rencontre une ascendance à mi-chemin. N'étant pas à l'aise dans ces hauts reliefs (Et étant sacrément prudent sur l'altitude), je prends le temps d'enrouler. Rapidement j'oublie l'objectif du cross pour monter au plus haut possible. 4100, 4200... 4300m, voilà mon nouveau record d'altitude. J'en profite pour prendre une photo d'une des plus belles vues que j'ai jamais pu voir.

4300 !!!!!!
Là, on commence à causer !
Dernier panorama sur le Beaufortain avant de continuer vers le Nord

Il est temps de reprendre ce cross. Je file plein Nord au-dessus du Glacier tout en observant mon altitude pour être sûr de ne pas rentrer dans la réserve. Je n'essaye d'exploiter qu'une fois passé la limite Nord de celle-ci. Mais je me rends rapidement sur l'Arrête de Tricot.

Je perds beaucoup de temps à chercher à monter sur cette arrête. Je me demande à partir de quelle altitude je vais pouvoir transiter vers la Pointe de Lapaz. Après avoir rapidement gagné 500m, je gratte péniblement 400m pendant 20min. Plusieurs fois, je perds l'ascendance. L'heure tourne, j'ai déjà décollé il y a 2h30 pour n'avoir avancé que de 23km. Il est temps de mettre du rythme dans ce vol, à la fin du prochain thermique, je pars.

Succession de transition

La décision est prise, j'avance. Je prends soin de contourner la zone R30C avant de transiter vers la Pointe de Lapaz.

Passy caché à Gauche, Cham' à droite, la Pointe de Lapaz au milieu

Je rejoins la crète qui y descend vers l'Ouest. Elle me semble un bon déclencheur de thermique et en effet une ascendance me porte rapidement jusqu'au sommet de la pointe. J'aperçois d'ici des voiles décollant du Brévent. Ça me fait plaisir de voir du monde car je me sens bien seul sur ce vol.

Le massif du Mont Blanc vu depuis le Nord

A 3200, je transite vers les sommets au-dessus de Passy. Je chemine sans perdre de temps vers Varan pour faire un plein avant de m'attaquer à la transition pour les Aravis. Tout se passe magnifiquement bien, en 30min j'ai parcouru 17km et sans me mettre dans le rouge à un seul instant. Jusqu'ici les choix semblent payer et je suis dans la portion la plus rapide du parcours. Comme en Avril, le secteur de Varan est bien généreux et m'emmène à plus de 3400m.

J'entame une nouvelle transition, vers la Pointe Percée cette fois-ci. J'ai l'impression de ne faire qu’enchaîner thermiques et transitions plutôt efficacement dans cette dernière demi heure.

En Avril, ma raccroche était au niveau des arbres tout en bas... Les choses se passent mieux

Les Aravis fildèles à elles-mêmes

Je raccroche la Pointe Percée à 2400. Cette transition me faisait un peu peur depuis Avril. Je l'avais réussi lors de mes deux tentatives mais en galérant pendant plus d'une heure à moins de 1500m la première fois et en me faisant bien secouer la deuxième fois. J'ai peur d'arriver tard en face Est et de rester bloquer. Mais aujourd'hui tout se passe simplement, un thermique m'emmène directement à 3400m au-dessus de la Pointe Percée. Le cheminement des Aravis commence.

J'atteins le Col des Aravis en seulement deux thermiques. Un autre thermique de l'autre côté du col me permet d'atteindre de suite le bout du massif et le Mont Charvin. Tout du long du massif, je ressens un flux de Nord qui me semble s'amplifier au fur et à mesure.

Tout du long du parcours le Mont Blanc pointe le bout de son nez

En faisant mon dernier plaf des Aravis, je suis en pleine réflexion sur quelques sujets:

  • Encore une fois la portion Cham / Mont Charvin n'a été qu'une formalité comme prévu dans le plan de vol. Mon optimisme n'était pas tant illusoire. Les conditions de ces temps-ci sont vraiment bizarres.
  • Je viens de faire, en 45min et 3 plafs, l'équivalent de mes cross phares de 2019 comme si de rien n'était.
  • Comment vais-je poursuivre ce vol ?

Je suis à portée de la Dent de Cons, mais le même doute qu'en Avril m'assaille. Comment l'aborder ? Et puis ce vent de Nord pourrait me porter directement vers la Roche Pourrie à l'entrée du Beaufortain. Je mesure vite fait sur XCTract la distance que représenterait cette transition: 12km, ça commence à causer. Je reste tiraillé quelques minutes avant de prendre ma décision: Filer plein Sud avec le vent dans le dos. La Dent de Cons sera à nouveau pour un prochain vol.

En avant vers le Beaufortain (Bisane à gauche, la Roche Pourrie tout droit)

Arrivée dans le Beaufortain

Voilà, on y arrive. Je m'apprête à aborder le Beaufortain. Cette longue transition me laisse plein de doute. J'ai vaguement l'idée que la Roche Pourrie sera bien orientée en ONO pour récupérer la brise d'Annecy tout en me plaçant bien par rapport au vent météo. Je prends mon temps pour grimper jusqu'au sommet de la Roche Pourrie. Je vois que je suis totalement dans l'influence du vent du Nord. Les thermiques sont de plus en plus efficaces et me permettent de monter par paliers: 1700m, 2000m, 2200m, 2600m. Me voilà sorti d'affaire pour le moment.

Beaufortain à nous deux (Mont Mirantin: rouge, Grand Mont: bleu)

Le vent météo m'empêche totalement de me placer sur les faces Sud des reliefs. De plus, la vallée de la Tarentaise me parait vachement hostile vu d'en haut. Je préfère encore me vacher dans le Beaufortain et me débrouiller ensuite.

En avançant vers le Mont Mirantin, je ressens de moins en moins de Nord. Rendu au Pas de L'Âne, je décide de passer le col en direction du Sud. Grossière erreur. De suite je gagne 10km/h et me retrouve sous le vent du Mirantin. J'exploite le premier thermique que je trouve pour réussir à me dégager de ce mauvais pas. Après un début bien sportif, celui-ci m'emmène sainement à 2900m, dégagé de tout relief.

Me voilà ressorti de ce mauvais pas (Grand Mont: rouge, la Grande Journée: bleu)

C'est parti pour la transition vers le Grand Mont. Me revoilà à nouveau en impro' totale mais cette fois-ci, je connais bien ce massif pour l'avoir parcouru en ski et en rando. Un nouveau plan de vol se dessine petit à petit. L'après-midi bien entamée, je pensais que les conditions risquaient de faiblir mais chaque thermique me permet de monter plus haut que le précédent. Une ascendance au-dessus de la Legette du Grand Mont me permet d'atteindre les 3200m. Je prends mon temps car je sais maintenant que si je ne me précipite pas, je suis assuré de boucler.

Au-dessus du Grand Mont

Un nouveau thermique au-dessus du Grand Mont me laisse le temps d'observer la sortie du Beaufortain qui se dessine devant moi. Un alignement de sommets forme une crête en direction du SE. Le vent de Nord devrait toujours m'aider, je n'ai qu'à prendre un cap vers l'Est, le vent me décalera au-dessus de la crête. J'exploite quelques faibles ascendances en chemin tout en évitant de me laisser trop emporter vers le Sud.

Saint Guerin / Roselend / Mont Blanc
Plus qu'un col pour basculer dans la bonne vallée

Je gagne quelques précieux 150m sur le Crêt du Rey me permettant ensuite d'atteindre la Pointe de la Combe Bénite sans me retrouver sous le vent. Je reste en standby de longues minutes pour essayer de gratter quelques petits mètres. Je suis normalement en finesse de l'atterro des Illettes à Bourg Saint Maurice. Mais dès lors que je partirais de mon perchoir, je me retrouverais dans le flux, sans doute turbulent, descendant du Cormet d'Arêche.

Un dernier plongeon vers Bourg Saint Maurice

Bouclage du parcours

Au bout de 5min, je vois que je ne gagnerais pas plus de hauteur ici. Je saute au milieu du vallon pour me dégager le plus possible du relief. Je me retrouve dans une longue dégueulante, jusqu'à arriver au-dessus d'Aime. Me voilà dans un thermique des plus sains qui me transporte tranquillement 300m plus haut. Il me semble avoir trouvé une confluence entre le flux descendant du Cormet et la brise remontant vers Bourg Saint Maurice. Le changement de masse d'air est vraiment net et impressionnant.

Dans la conflu, je viens de là-bas

J'en profite pour essayer de boucler le triangle à moins de 3km du déco. Mais cette nouvelle avancée ne se passe pas aussi bien que prévue. Je dégrade pas mal, je me fais chahuter et je suis tout du long au-dessus de grosses lignes à haute tension. Au bout d'un moment je décide de filer sur les Arcs pour rallonger le vol et espérer atteindre la limite des 3km du déco plus tard.

Voilà que je découvre la magie des Arc le soir, tout devient facile. Je remonte tranquillement la station dans la brise jusqu'à atteindre 2600m. On est vraiment dans un vol du soir. Les conditions sont tout à fait tranquilles, rien à voir avec la face Est que je viens de quitter. J'en profite pour savourer cette fin de vol. Rendu au plaf, je file boucler proprement ce triangle puis je m'amuse à descendre avec quelques exos.

Remontée en haut des Arc
Le deco est droit devant
Quelle est belle cette bâche

Epilogue

Je retrouve Rémi à l'atterro autant dégouté de son tas que content de mon vol. En pliant je trouve un pilote ayant décollé du Plan de la Boutte qui a réussi à passer au-dessus du Mont Blanc à plus de 5000m. Bel objectif de vol.

Les deux jeunes locaux se seront finalement tanqués vers le Lac de Roselend. L'option Beaufortain n'aura vraisemblablement pas été la meilleure.

Conclusion

Le dernier objectif de l'année est tombé. J'ai pu vivre mon rêve de parcourir le Beaufortain par les airs et une nouvelle fois ce massif était magnifique.

Le parcours est finalement un triangle FAI de 114km, très différent du dernier gros cross que j'ai pu faire (Vercors / Chartreuse / Beldonne). 50km de moins mais tellement plus beau et intéressant. Ce vol restera un de mes plus beaux succès de l 'année.