Belledonne : de Chamrousse aux 7 Laux

Belledonne : de Chamrousse aux 7 Laux

Mardi 6 août, on est plusieurs du club à être tentés de poser l’aprem pour aller voler. Les conditions ont l’air plutôt bonnes dans les massifs autour de Grenoble : des plafonds assez hauts et un léger vent de sud-ouest qui se renforce en altitude. La non-envie de marcher (à cause de la chaleur et de la flemme) fait que Rémi, Kévin et moi optons pour Chamrousse. Maxime prend l’option Croix de Chamrousse avec un autre groupe. Alexis et Romain, qui ne sont disponibles qu’en fin de journée, choisissent respectivement Chamrousse et le Belvédère.

Le rendez-vous est donc pris à 13h30 à l'atterrissage de Saint-Martin-d’Uriage. Comme on est trois, on choisit de monter directement en voiture plutôt qu'en stop. C’est Rémi qui fait le taxi.

En arrivant au décollage on se rend vite compte qu'on ne sera pas seuls aujourd'hui. Il y a au moins huit pilotes avec nous et on en aperçoit une dizaine au niveau de la Croix de Chamrousse. Maxime est dans le lot ! Certains sont déjà prêts à décoller en haut tandis qu’à l’Aiguille on préfère attendre que les conditions s’installent un peu plus. Les premiers décollages de la Croix semblent assez prometteurs, il y a déjà des thermiques en place. Les fusibles s'enchaînent aussi en bas et ça monte plutôt bien. Impatient, je décolle en premier tandis que Rémi et Kévin temporisent encore un peu.

Je trouve le premier thermique assez facilement en sortie de décollage. Je l’enroule n’importe comment. Je ne comprends pas comment il est structuré et je n’arrive pas du tout à le centrer. Une autre aile est à mon niveau et je me contente de la suivre dès que je la vois monter plus vite que moi. On finit par arriver au-dessus de la Croix de Chamrousse au moment où Kévin et Rémi décollent. Je décide de ne pas les attendre ici et je pars à 2850m en direction du Grand Colon.

Le Grand Colon.

En fin de transition j’ai suffisamment d’altitude pour aller chercher le traditionnel thermique sur l’épaule nord du Grand Colon mais je ne le trouve pas. Je dois faire demi-tour et je trouve de quoi monter en plein milieu de la face ouest. Rémi m’informe qu’il attaque la transition, suivi de Kévin, quand j’atteins de nouveau les 2800m. Je profite de quelques tours de thermique supplémentaires pour dépasser les 3000m. C’est la première fois que je survole le Grand Colon et la première fois que j’atteins cette altitude en parapente !

J’ai l’impression que la plupart des ailes qui étaient devant moi ont continué par le lac du Crozet. Néanmoins, à cette altitude, j'ai une vue dégagée sur l’ensemble du massif et ce sont les lacs du Doménon et le Grand Pic de Belledonne qui me font de l'œil. Je suis surpris de ne voir personne dans ce coin alors que ça me semble être l’occasion rêvée ! Est-ce qu'il y a un danger particulier ? Il n’y a rien qui me choque. La principale difficulté pourrait être de sortir du massif si la masse d’air me fait descendre rapidement. Mais pour ça il me semble que j’ai suffisamment de marge. Puis ça ferait une belle trace GPS de passer par là (on a chacun ses priorités…). Alors c’est décidé, je vais le tenter !

Le Grand Pic de Belledonne entouré des lacs du Doménon et du lac Blanc.

En arrivant au-dessus de la Grande Lance de Domène je traverse un thermique bien désagréable. Ça commence mal. J’essaie de l’enrouler mais j’abandonne vite et espère que le reste de mon cheminement au-dessus de la crête sera plus agréable. C’est le cas.

Je n’arrive pas bien à savoir où en sont Rémi et Kévin. En théorie ils doivent être en train d’enrouler au niveau du Grand Colon. Je n’ose pas leur demander, j’ai suffisamment de choses à gérer pour le moment. J’analyse en boucle ma situation pour m’assurer de ne pas faire n'importe quoi. Je ne comprends toujours pas pourquoi je suis seul ici.

J’arrive au niveau du Grand Pic de Belledonne sans encombre. Je l’ai fait ! A partir de là je ne connais plus aucun nom des montagnes, lacs et cols que je survole. Et pour ceux que je suis censé connaître, je n'arrive pas à faire l’effort d’y réfléchir. Pour la suite, le plus logique semble être de suivre la crête qui se dessine devant moi.

Les faces est de Belledonne et la crête à suivre.

Je passe le Col de la Mine et continue un peu vers la Pointe de la Scia sans trouver de thermique. Je suis à 2600m. Je n’ai aucune idée de l’altitude qu'il me faut pour rejoindre les 7 Laux. Vu la hauteur des ailes que j’aperçois je me dis que je dois pouvoir trouver de quoi monter un peu ! Je retourne vers le sud pour récupérer la face ouest du Grand Replomb.

Rémi me demande où je suis, il veut savoir si j'ai passé le Pas de la Coche. Je ne sais pas où c’est mais je réponds que je l’ai certainement passé (pas du tout). Je crois comprendre qu'il va essayer de suivre la même trajectoire que moi en passant par le Grand Pic de Belledonne. Je ne capte pas très bien Kévin qui a l’air de dire qu'il fait demi tour pour retourner sur Chamrousse. Il est peut être fatigué. En tous cas, ils ne doivent plus être ensembles. De toute façon, je suis focalisé sur cette transition qui m'attend.

Je trouve directement un thermique au Grand Replomb. Il me fait gagner 200m qui me donnent confiance pour partir en direction du Jas du Lièvre. Je suis poussé par du sud ouest pendant la transition. Ça me facilite la tâche pour l’instant mais ça va compliquer le retour. Je me soucierai de ça plus tard...

J’arrive juste au-dessus du Jas du Lièvre. Il y a pas mal d’ailes dans le secteur dont une qui a l’air d’enrouler un super thermique au-dessus de la Cime de la Jasse. Je vais chercher ce thermique qui est toujours là quand j’arrive et il me remonte à 3000m. A partir de là j'ai deux options : soit je pars plein nord vers le Crêt du Poulet, soit je vais en direction du Pic de la Belle Etoile et des lacs des 7 Laux. La deuxième option m’attire bien. Le massif est magnifique vu d’ici.

Le Pic de la Belle Étoile devant les lacs des 7 Laux.

Mais ça fait plus d’une heure que je vole, je dois commencer à penser au retour. Je n’ai jamais volé plus de 2h10 et je risque d'être contré par le vent pour la suite. Au même moment Rémi m'informe qu'il est dans la transition. Je décide donc de faire un petit aller-retour plein nord le temps qu'il arrive. En plus, ça me fera grappiller quelques mètres sur la trace GPS (les priorités je vous dis…) !

J’avance un peu plus loin que le dôme des Oudis avant de faire demi-tour. Comme prévu, je me retrouve bien contré par le vent et je commence à me trouver bas. C'est tout de suite moins agréable ! Heureusement, en revenant sur la crête après le télésiège de l’Oursière, ça porte un peu mieux. Pendant ce temps Rémi a bien profité du thermique de la Cime de la Jasse et il se lance sur la transition du retour. Quand je repasse dans la zone du thermique je ne trouve rien.

Retour sur la Cime de la Jasse.

Le mental est en train de lâcher. Cette transition me paraît longue et j’ai peur d’être trop contré par le vent. Je demande à Rémi à quelle altitude il est parti. Il était à 2850m et d’après lui ça doit le faire à mon altitude de 2500m. Personnellement je n’y crois pas mais au moins j’ai une donnée chiffrée, c’est mon objectif. Je suis ses indications pour trouver un thermique au Jas du Lièvre. Je ne le trouve pas sur l’épaule ouest mais bien sur la face sud. C’est ma porte de sortie alors je ne dois pas le lâcher celui-là ! J’arrive à m’extraire jusqu’à 2800m avant de partir en direction d’Orionde.

Je me fais bien dégueuler en début de transition puis ça se stabilise. Je ne suis quand même pas serein pour la raccroche et j’essaie de me rassurer en m’alimentant un peu. Les barres de céréales friables, ce n'est pas une bonne idée dans une sellette…

Au même moment Kévin nous informe qu'il vient de poser au Recoin. En fait il n'était pas spécialement fatigué tout à l'heure. Il n'a juste pas réussi à enrouler le même thermique que Rémi après le Grand Colon. Il s'est donc retrouvé seul et n'a pas osé aller plus loin. Il a préféré assurer et retourner du côté de l'Aiguille et de la Croix de Chamrousse.

De mon côté je finis ma transition sous Orionde à peu près au niveau de la cabane. Je sais que c'est là qu'il va falloir se battre mais je ne trouve rien de consistant à enrouler. Sous les encouragements de Rémi et après un peu moins de cinq minutes je trouve enfin de quoi remonter de 300m. Je me dis que j’ai fait le plus dur même si je ne suis pas totalement sorti d’affaires. Il faut que je monte encore un peu. Un thermique bien puissant et désagréable m’attend à l’ouest du Jas Mouton. J’essaie de centrer le bazar comme je peux en me disant qu'après ça c’est gagné ! Je pars ensuite à la poursuite de Rémi qui est parti du Grand Replomb il y a déjà cinq minutes.

Plutôt que de viser directement le Grand Colon, je m’accorde un petit détour par le Col du Loup. Je commence à me détendre un peu en me sachant de retour en terrain connu. J'hésite à rejoindre Rémi qui vient de poser au sommet du Grand Colon mais bon, ça arrêterait la trace GPS… Sur le chemin je croise le thermique de l’épaule nord que je n'ai pas trouvé à l'aller. C’est celui que j’arrive le mieux à enrouler de la journée et j’atteins de nouveau le plafond à 3300m. A cette heure là il commence à faire froid là haut ! Puis avec tout ce gaz sous les pieds, je décide de rejoindre la Croix de Chamrousse en passant par le Petit et le Grand Van.

Les lacs Robert et la Croix de Chamrousse.

Ça fait maintenant 2h30 que je suis en l’air. C’est déjà mon vol le plus long mais je me sens encore bien alors je me dis que je peux tenter les 3h. Il y a Alexis et Kévin à l'Aiguille qui vont peut-être bientôt décoller. Je joue un peu au-dessus du Recoin avant de retrouver le thermique devant le décollage. Je l’enroule beaucoup mieux qu’en début de vol. A 2800m je pars pour un dernier aller-retour au-dessus de Roche Béranger. 

Je retrouve finalement Kévin pour gratter sous le décollage puis on se dirige tous les deux en direction de l’atterrissage. Entre-temps, Alexis est parti en direction du Grand Colon et Rémi a posé au Recoin pour récupérer la voiture. Il a un souci de clef pour la démarrer et se voit contraint de l’abandonner en profitant d’un plouf de fin de journée. On se retrouve donc tous les trois à l'atterrissage de Saint-Martin-d’Uriage pour un traditionnel débrief d’après vol. Rémi arrive même à rentrer chez lui en se faisant ramener par Kévin. Il faudra repasser chercher la voiture un autre jour !

Avec le recul je me dis que j’ai raté beaucoup d’occasions d’attendre Rémi et Kévin en début de vol. Ça aurait pu faire un vrai vol de groupe mais sur le moment j’étais trop focalisé sur mon envie d’atteindre les 7 Laux. En plus je sais à quel point ça peut être important pour le mental. Merci Rémi ! Ça aurait certainement aidé Kévin aussi. Alors même si j’ai dépassé mes records personnels d’altitude, distance et temps de vol aujourd’hui, un futur objectif sera de jouer un peu plus collectif !

Les traces de vol :
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