Vallouise - Découverte du site en trois temps
Contexte
Voilà pas mal de temps que j'étais attiré par les sites loin des grandes vallées et des autoroutes de vols (Vercors, Chartreuse, Bauges et Aravis). Je rêvais de vols dans des massifs plus renfermés, plus sauvages où j'imaginais découvrir des panorama à couper le souffle. Cet hiver depuis Valloire, j'apercevais les plus haut sommets des Écrins. Je n'étais jamais allé dans ce massif, mais il me faisait vraiment envie.
Nous voilà début août, je guête des conditions de folies dans tous les Alpes. Je remarque que de sacrés plafs sont prévus à Vallouise. Il faut que j'y aille. Mais il y a ce problème de voiture qui me bloque une journée. Résultats des courses, je reçois des photos d'amis volant au dessus de la Barre des Écrins avec des conditions parfaites. Conclusion de la journée, je dois filer au plus tôt là bas... et envoyer la facture à ces tocards du garage qui n'ont pas été fichu de serrer un filtre à huile durant la révision. Votre mécano, il me doit un vol 4500 !
La voiture prête, me voilà à rouler vers Vallouise. La route dans l’Oisans est magnifique. Ça doit être la première fois que durant un trajet seul je m'arrête pour prendre des photos sur le bord de la route. Je vois vite que l'on est loin des autoroutes du ciel auxquelles je suis habitué. Le paysage est magnifique.
08 Juillet - Découverte du bocal
Avant le vol
J'ai pris quelques infos sur le site de vol à l'école locale la veille. Deux pilotes de passage m'ont proposé de monter au déco ensemble. On se retrouve pour faire une navette. La voiture garée à Puy Alliaud, leur plan est de monter dans les alpages. Ils m'emmènent plus haut à environ 1h de marche sur le sentier filant vers la Blanche (Non mais il y a combien de montagnes qui s'appellent comme ça encore !). De là, on devrait éviter la galère classique de l'extraction du déco de Puy Alliaud.
Rendu en haut, en allumant XCTrack, on remarque un stage cross qui part de Puy Alliaud. On prend le temps de les observer et en effet, ils ont l'air de galérer à s'extraire. Tous font pas mal de yoyo avant d'avoir l'altitude nécessaire pour venir raccrocher le bas de la crête qui descend de notre décollage. Au final On prend la décision d'y aller lorsque les premiers arrivent à notre hauteur. Lorsque l'on décolle, ils sont déjà quelques centaines de mètres au dessus de de nous. On n'aura pas gagné de temps mais on s'assure une extraction facile (Je marche mieux que je vole, donc j'en profite).
Extraction
Le ciel est bien balisé et on voit directement l'emplacement du thermique en sortie de notre déco. Celui-ci aura été fiable, je l'ai vu en place durant le début des trois jours de vols. Rapidement j'arrive à monter à 2500m mais reste bloqué à cette altitude. Je remarque que les deux pilotes du stage cross, qui tentent la transition vers la crête plus au Sud partent vers 2900. Je me fixe cet objectif d'altitude. Mais rien y fait je reste bloqué avec le reste des pilotes à osciller entre 2700 et 2200m.
5 fois je fais le yoyo pour ensuite perdre patiente et suivre un autre pilote qui est aussi parti vers 2700.
Direction Pendine
Arriver au dessus de la foret sur la montagne plus au Sud, je recommence le même programme. Je cherche tous les endroits qui pourraient monter. Plusieurs fois, je prospecte vers le vallon de Narreyroux mais je m'y fais enterré à chaque tentative. Au final, après trois remontées au plafond, je me rends à l'évidence: il semble que le seul placement efficace est en vertical de la crête. Je soigne la prise de mes thermiques, au prochain plaf, dès que je le perds, je vais sauter sur la station de Puy Saint Vincent.
Après cette transition qui me paraissait bien hasardeuse, je rencontre le meilleur thermique de la journée. Le voilà qui m'emmène à presque 3000m. Il n'y a pas de raison que je traine plus ici. Je vois que les deux premiers du stage cross ont filé vers l'entrée de vallée au dessus du village des Vigneaux. Je comprends qu'il doit y avoir un dynamique qui se met en place là bas avec la brise de la vallée principale venant du Sud. A côté de moi deux autres élèves du stage cross semblent suivre la trace des deux premiers. Je suis ici pour découvrir le coin, autant profiter indirectement des conseils des moniteurs. Je les suis donc en direction d'Argentière au dessus de petits reliefs qui forment un genre de crête (Petits reliefs culminant 2000m tout de même).
Découverte du dynamique magique
Après avoir passer Château Lebrun (Le dernier sommet de la crête), je bifurque vers les Vigneaux. Je comprends le dynamique utilisé par les autres pilotes. Je remarque une conduite forcée arrivant au bout de la crête qu'ils visent. Au dessus la crête monte progressivement jusqu'à présenter un bel obstacle sur lequel la brise va s'écraser. J'accroche le dynamique à 1800m et comprends que l'exploitation est plutôt facile.
Je gagne 300 en pur dynamique avant de m'avancer dans la combe en direction Vallouise. J'y trouve un beau thermique m'emmenant à 2500m. Je suis le plus haut des pilotes dans le coin. Les deux autres partent poussés par la brise jusqu'à l'atterro. Je me mets en tête de suivre la trace des deux premiers qui eux sont passés en face Ouest de la Tête d'Amont. Par contre je n'ai aucune idée de leurs altitudes au moment de sortir de la combe.
A 2400, j'en sors en suivant les traces de mes prédécesseurs mais certainement trop bas. je me fais appuyer sous le vent et le temps de revenir dans la combe je descends à 1900m. Belle buche ! Je force face à la brise pour retourner dans le dynamique de la conduite forcée. J'y arrive à moins de 1600m. Je vais pouvoir découvrir si ce spot marche aussi bien plus bas. Spoiler: oui c'est un dynamique magique bien sympa qui va pouvoir me sortir de situation bien foireuse.
Je reprends le même chemin, exploitations dynamique, thermique mais en restant bloqué à 2300m. Je ne tente donc pas la face Ouest et je préfère filer en direction de Puy Alliaud.
Gaminerie du soir
Les conditions sont toutes tranquilles. Au programme, de l'exploitation d'un thermodynamique tout doux, des waggas sur les alpages et même une remontée à 2500. C'est le moment d'en profiter sereinement.
Résultats de la journée
Après 5h45 de vol pour un triangle de 22km, on peut clairement dire que je n'ai pas été efficace. Mais j'ai bien découvert le bocal (Sous 2900m). J'ai découvert quelques spots à thermiques et un dynamique de folie. Les prochains vols pourront être abordés en connaissant mieux les options possible du site.
10 Juillet - On pousse les murs
Avant le vol
J'ai pu découvrir le bocal l'avant veille, aujourd'hui les plafs ont l'air plus hauts, il va falloir pousser le parcours sur les sommets. Du vent de Nord/Ouest assez fort est prévu et risque de pas mal gêner les vols dans la région. Mais Vallouise reste protégée par les Écrins. Je ne devrais rencontrer ce vent qu'en étant vraiment haut.
Un parcours classique du spot est d'aller de la Blanche vers les Bancs en fond de vallée à l'Ouest. De là, je verrais si je m'enflamme en cherchant à passer au dessus du Pelvoux ou si je tenterais de suivre les crêtes plus vers le Sud. Ces hauts massifs m'impressionnent vraiment et une chose est sûr, je vais garder de bonnes marges pour éviter de me retrouver poser en hautes montages.
Je retrouve un des compagnons de l'avant veille pour faire la même rando et monter décoller dans les alpages. Cette fois encore, le groupe de stage cross part de Puy Alliaud. On les observe, ce jour-ci, ils arrivent à s'extraire plus facilement. On sort le matos et on se prépare à s'incruster dans la grappe.
Extraction
Cette fois-ci tout se passe plus facilement, au bout de 20min je passe les 3000m et je peux commencer à m'attaquer au sommet de la Blanche. Je rejoins la Pointe de Guvard en m'arrêtant à tous les thermiques (6 pour moins de 4km). Je tiens à soigner tous mes plafs sur ce vol et surtout la crête est à plus de 3000m, je veux tout faire pour rester au dessus.
Suivi des crêtes
Je quitte la Pointe de Guvard à plus de 3700 (je ne suis pas contre améliorer mon record perso d'altitude) et je suis les crêtes en travaillant pour rester haut. Arrivé un peu avant les Bans, je suis au croisement entre 4 vallées, au Nord/Ouest en direction de Bourg d’Oisans, au Nord/Est vers le Pelvoux, à l'Ouest vers Saint-Firmin et à l'Est vers Vallouise. Je n'ai clairement pas envie de partir dans l'inconnu de celles du Nord/Ouest ou de l'Ouest. Ensuite sur XCTrack, je vois que personne n'est parti vers le Nord et tous ceux du stage cross sont partis sur les crêtes au Sud. Je décide donc de les suivre. Cela me permet de découvrir l'endroit tout en restant dans le "bocal agrandi", comprendre: "Je n'aurais pas à passer un glacier pour rentrer à la voiture si je pose".
Je transite donc en coupant le bout de la vallée pour raccrocher le Pic de Malamort. Il serait peut être plus efficace de suivre les crêtes, mais la solution choisie est déjà balisée par ceux devant moi ce qui me rassure. Je retrouve 4 autres voiles et je commence à mettre du rythme pour les suivre. On chemine sur les crêtes jusqu'au Pic de la Cavale. La vallée à notre droite descend dans le Champsaur, je suis frileux à envisager m'y jeter, ça sera un objectif pour un prochain vol.
De là les pilotes devant moi suivent la crête vers les Pointes des Rougnoux puis font demi tour pour rejoindre la crête au Nord qui file jusqu'aux Pointes des Neyzets. Je me dis qu'ils ont fait demi tour trop tôt et que cet endroit devrait bien marcher. Le flux d'Ouest venant du Champsaur devrait bien m'aider. Rendu au pied des Pointes des Rognoux, je me rends à l'évidence. Je ne trouverais rien ici, je me jette sous le vent de la crête dans la vallée qui débouche sur Argentière avant d'être trop bas.
Session speedriding
J'étais tout juste assez haut pour repasser la crête et surtout tout à fait assez bas pour être sous le vent. Je dégueule dans cette vallée, poussé et écrasé par le vent. J'avance entre 60 en 70km/h, avec du -3m/s de moyenne, j'ai l'impression de faire du speedriding. Je n'arrive pas à m'écarter du sol, la plupart du temps à moins de 200m et jusqu'à 80m au plus bas. Je me vois déjà poser à 2400m !
Au bout d'une éternité, je commence à retrouve un vario et une vitesse raisonnables. Il est temps de gérer un thermique si je veux me sortir de ce bourbier. Je vois sur XCTrack les voiles que je suivais, cheminer 800m au dessus de moi. Je n'ai pas le droit de me planter comme ça alors que les conditions sont si généreuses. Je soigne le moindre petit thermique qui me permet de me mettre à l'aise puis d'accrocher une ascendance plus efficace.
20min après je reviens à 3500m pendant qu'un des pilotes du stages cross s'enfonce en avançant en sortie de vallée. On a échangé nos places mais lui ne réussira pas à s'y extraire. Je le suis sur XCTrack, jusqu'au moment où il pose dans l'entrée de la vallée, étroite comme il faut. Je suis bien content d'avoir évité ça.
Extension de parcours
A 3500m au dessus de Pendine, je pourrais filer vers le dynamique des Vigneaux que j'ai découvert hier mais ça serait gâcher un plaf pareil. Je me suis sorti in extremis de mon trou, il est temps de sauter dans un autre. Je décide de transiter sur la crête plus au Sud. Je vise la tête de Dormiouse sur la fin de la crête pour éviter de raccrocher la face Nord d'une crête à 3000m que je ne pourrais pas franchir.
L'arrivée se fait sans encombre et de jolis thermiques bien balisés me permettent de remonter facilement la crête à plus de 3600. Les choses se passent trop bien, je pousse donc encore plus au Sud. Durant ces deux transitions, je suis franchement poussé par du Nord. En couche moyenne plus proche des reliefs, j'ai pas mal ressenti de l'Ouest et dans toutes les vallées débouchant sur la Durance, la brise est en Est. Les choses ne sont pas simples mais le pire est à venir.
Je vise une crête secondaire orientée Nord/Sud qui devrait me permettre de reprendre un peu de gaz pour attendre le haut de la crête principale ensuite.
Mais plus j'avance sur la crête, plus je ressens de l'Ouest. Il en deviendrait même fort. Qu'à cela ne tienne, à défaut de thermique, ça devrait tenir en dynamique. Mais non je ne réussis qu'à peine à me maintenir à la hauteur de la crête. Je cherche toujours plus loin mais rien n'y fait. Qu'est ce que ce vent d'Ouest venant d'Orcières et menaçant de bien me mettre dans des rouleaux si je continue. Je ne le sais pas, je ne comprends pas, mais la réalité est là et il est temps de faire demi tour.
Bourbier 2: Le retour
Je longe la crête une deuxième fois, toujours rien. J'ai déjà perdu assez d'altitude, je me jette au Nord vers les face Sud de la Tête de Dormiouse. Encore une fois, je suis écrasé mais un poil moins qu'une heure avant. 50/60km, et du -2m/s, je commencerais presque à m'y habituer. J'en profite pour avancer vers la sortie de la vallée. En basse couche, la brise pourrait bien me bloquer alors autant profiter de cette Ouest qui déboule dans mon dos. Une fois assez bas et avancé, j'ai l'impression que je suis moins sujet à l'Ouest. Je m’accroche à la face Sud et je récupère un thermique qui me fera gagner 500m en une fois. Je peux maintenant contourner la crête de la Tête de Dormiouse, le vol est sauvé.
Fin de parcours comme prévu
Il est temps de reconnaitre que je me suis déjà fait surprendre deux fois par l'aérologie dans du coin que je ne connaissais pas. Je décide donc d'entamer la fin de mon parcours. En partant avec le vent vers le Sud, je savais que je pourrais revenir à Vallouise avec la brise de la Durance qui me pousserait vers le Nord. De ce que j'avais prévu, il me suffirait de me jeter dans la vallée avec suffisamment de hauteur pour récupérer des appuis dynamiques et retourner aux Vigneaux.
Je contourne donc le bout de la crête de la Tête de Dormiouse, pour me jeter sur le bout de la crête de Pendine puis sur les Vigneaux. Poussé par la brise, je passe gagne rapidement 10km/h. Je raccroche aux Vigneaux à 1800m, pas de problème, je sais que le dynamique va rapidement me sortir de là. Arrivé à 2200, je peux aisément rejoindre Vallouise, tous mes problèmes sont derrières moi.
On ne gâche rien
En avançant dans la combe des Têtes d'Amont, je trouve de généreux thermiques me permettant de passer au dessus des reliefs. Je vais donc pouvoir prendre ma revanche sur l'avant veille. 1500m au dessus des crêtes, je file en direction du Nord pour chasser un cum' se formant un peu plus loin. J'y trouve le plus parfait thermique de la journée, m'élevant à plus de 3600m. Que faire, j'en ai assez eu des plans foireux pour aujourd'hui. Je pousse une balise à l'Est pour agrandir le triangle vers un FAI de 55km puis je fais vite demi tour pour pouvoir passer au dessus des Têtes d'Amont.
Bouclage en règle et bonus
Je part maintenant pour un glide jusqu'au alpages d'où j'ai décollé. Un triangle bien bouclé nécessite un posé à l'endroit d'où l'on part. Deux / trois wings et me voilà sur le sentier qui m'a emmené ici le matin même. Le tour du bocal agrandi peut être coché.
Tout juste le temps pour une pause pipi et on est reparti pour une heure de vol ludique entre waggas, remontée à la Blanche et tentative à la Cime du Paillon plus au Nord. Eh mais attendez, me voilà à plus de 4000m au dessus de la Blanche !!! Je ne m'en souvenais même plus à l'heure où j'écris ces lignes. Il ne reste plus qu'à poser à la voiture et à rejoindre Rémi (la version pyrénéenne) à Gap.
Trace GPS: CFD
12 Juillet - Toujours plus haut, toujours plus loin
Avant le vol
La veille avec Rémi, on a fini par voler à Monclar avec l'idée d'optimiser la distance de cross. De retour à Vallouise, nous voilà dans un esprit de recherche de performance... Enfin surtout moi, Rémi veut surtout découvrir le coin.
Les conditions météo sont similaires à l'avant veille: du Nord/Ouest en altitude, un plaf prévu un poil plus haut. Je me mets pour objectif d'agrandir mon parcours pour faire un triangle FAI de plus de 55km. Par contre je n'ai toujours pas fixé où seront les balises.
La journée a commencé par le même rituel, la montée à pied dans les alpages. Par contre, on est dimanche, le stage cross est terminé, ce n'est un problème, un sacré paquet de pilotes du coin viennent voler. On aura du balisage.
Je n'attends pas la fin de la clope de Rémi, en avant pour le vol !
Extraction
Cette fois-ci l’extraction est encore plus simple, en 10min me voilà à plus de 3500m. Rémi me suit avec un thermique de retard. Nous cheminons vers les Bans, mais cette fois-ci je décide d'aller faire un point dans la vallée qui descend vers Bourg d'Oisans au Nord/Ouest.
Un coup d'épée dans l'eau
Je passe le col pour entrer dans la vallée. A cette altitude, je ressens pas mal le Nord/Ouest, je me retrouve bien orienté par rapport au vent, mais je suis très tôt pour être en face Ouest. Je contourne la pointe de Sélé en cherchant à monter. La masse d'air me porte tout du long mais sans jamais être assez généreuse pour que je l'exploite. Rapidement je dois faire demi-tour pour me jeter dans le col me permettant de regagner la vallée d'Ailefroide.
S'en suit forcément une nouvelle session de speed riding sous le vent, mais cette fois-ci au dessus d'un glacier. J'ai de la marge pour la hauteur, je n'envisage pas à un seul instant poser mais on ne peut pas dire que je suis dans l'épisode le plus efficace de la journée. Je suis le même plan que les deux fois précédentes l'avant veille, je file raccrocher la face Sud du Pelvoux plus en entrée de la vallée.
Arrivé au niveau du refuge du Sélé, je trouve le thermique attendu. Je vois sur XCTrack que Rémi ne m'a pas suivi (Très bon point pour lui), il est resté travailler les ascendances entre l'endroit où je l'ai laissé et la Pointe de Guvard. Après avoir enchainé trois thermiques me revoilà à transiter pour raccrocher le relief de la Blanche.
Me voilà au même endroit que 1h avant, avec cette tentative je n'ai poussé une balise qu'à peine 4km plus loin. Voilà l'action la plus inefficace de la journée mais j'ai le temps, mon programme n'est pas bien ambitieux.
Cap plein sud
30min après je suis au dessus de la Pointe Guvard prêt pour la transition au Sud vers la Pointe de l'Aiglière. Aujourd'hui au vu des plafs, je ne cheminerais pas le long des crêtes plus à l'Ouest: je les connais déjà, je ne compte pas mettre une balise dans ce coin et je suis à plus de 3900 entrain de forcer pour passer les 4000. A cette hauteur là, je ne chemine pas, je transite au plus rapide.
Je cherche la trace de Rémi sur XCTrack et je retrouve au dessus d'Argentière à 2000m. Il n'a pas froid au yeux l'ami. Traverser la vallée de la Durance, je le trouve bien optimiste. Je trouve directement un thermique à la Pointe de l'Aiglière et je le dérive pour atteindre le cap des 4000. Pendant ce temps, je vois que Rémi est toujours au dessus d'Argentière mais à 1400. Il va bientôt poser. On a décidément pas le même style de vol, lui trace, moi je monte. Un jour on arrivera à se caler sur le même rythme (Spoiler: après un mois de vol ensemble, on n'a jamais réussi).
4130, je n'arrive plus à monter. Sans perdre de temps je file encore au Sud. Cette fois ci je vise plus à l'Ouest que l'avant veille. J'y étais sous le vent du Grand Pinier, très bien aujourd'hui je vise celui-ci, je ne devrais pas me retrouver sous le vent à ce coup là. Je survole la crête de Dormiouse sans m'arrêter. Je suis à plus de 3900m, je préfère continuer d'avancer plutôt que risquer de perdre de l'altitude en prospectant.
J’atteins l'aplomb de la crête du Grand Pinier avec une hauteur de 500m, vers les 3500. Je vais avoir du temps pour trouver un nouveau thermique. En suivant la crête, je passe d'un vent météo me poussant fortement depuis le Nord à une brise me décalant depuis le Sud/Ouest. Je m'arrête au sommet du Grand Pinier en me maintenant en soaring. Je ne veux pas continuer plus loin au Sud sur cette crête. Ma porte de sortie est encore une fois de me jeter sous le vent dans la vallée qui débouche sur la Durance. Je choisis de rester à ce niveau pour me dégager du relief rapidement, plus loin ce ne serait pas le cas. Je descends bientôt à la hauteur du sommet, il est temps de fuir vers l'Est.
Demi tour gauche, cap à l'Est
Comme prévu, je me fais brasser sur la première partie de la transition. Je tiens bien ma voile et la masse d'air n'est pas trop horrible. Je fais ma route. Je vise comme l'avant veille la face Sud de la Tête de Dormiouse, confiant comme j'ai pu le faire hier. Les conditions sont encore meilleures aujourd'hui, je ne devrais pas avoir de problème. En effet en 30min, je gagne plus de 1000m, pour avoisiner les 4000. 3997m pour être exact.
Le copain m'a grave chauffé à tenter de traverser la vallée de la Durance, je suis au plaf, il est 14h40, en avant pour les face Ouest. Je vise une crête orienté Est/Ouest, perpendiculaire à la vallée de la Durance. A ce que j'ai compris, la brise est très forte dans la vallée principale et je devrais pouvoir facilement rentrer à Vallouise en profitant des appuis dynamiques sur toutes ces crêtes perpendiculaires.
Durant toute la transition, je suis poussé par le météo qui à l'air d'être maintenant plus Ouest que Nord. J'arrive sur la crête à 2900m. Je suis bien à l'aise.
Oh la boulette !
Je prospecte sur la crête vers l'Est en direction du lac de l'Ascension. Rien à faire, je ne trouve pas de thermique. Sans trop m'en rendre compte, je me suis bien enfoncé dans le vallon. Au moment de faire demi tour, je réalise que je ne suis plus dans le vent météo mais dans la brise du vallon qui rapidement devient très turbulente. Je me retrouve contré mais surtout dans une dégueulante pas possible. Des vario négatif atteignant les -4m/s. Je n'ai plus l'impression d'avancer. La voile menace de se fermer à tout moment. J'essaye de piloter au mieux. Tenir la voile pour la garder au dessus de ma tête, mais le moins possible pour avancer au plus vite. Je suis concentré un maximum. C'est même la seule fois où je me suis dis de bien visualiser la position de la poignée du secours car je pourrais en avoir besoin n'importe quand. Bref si vous me demandez la fois où j'ai eu peur durant vie de parapentiste, je vous répondrais par ces 2min là.
Et maintenant on remonte la vallée
Je me suis sorti de ce pétrin. Un dynamique bien réconfortant me permet de gagner 400m.
Je décide de pousser le plus possible contre la brise vers le Sud. Pour la laisser me porter sur le retour. J’atteins la première crête au Sud, tout du long accéléré, je ne suis qu'à peine à 20km/h. En passant sur le versant Sud, je trouve de suite un thermique me hissant à 3900. Parfait, je vais pouvoir reprendre le plan de base, être poussé par le vent météo dans les hautes couches puis revenir dans le brise. J'ai déjà bien bataillé aujourd'hui, je ne vois pas comment aborder ce relief qui se présente devant moi. Je cède à la facilité et fait ma balise directement arrivé sur la Crête des Crousos pour repartir en direction de Vallouise.
Retour à la casa
J'ai 14km à parcourir pour atteindre le dynamique des Vigneaux, il est 15h30, j'ai largement d'exploiter sur les crêtes secondaires au retour. J'assure en enroulant ce qui me fait monter à 3000, le reste du retour n'est qu'une formalité. La raccroche aux Vigneaux se passe comme les deux jours précédents, une rapide exploitation dynamique me permet d'accéder à la combe des Têtes d'Amont. Ensuite un enchainement de thermiques m'emmène à 3500.
Je suis pour l'instant sur un triangle FAI de 65km. La balise Sud/Est en direction de Guillestre n'était pas dans le plan de vol. Je peux très rapidement agrandir le triangle en poussant sur cette crête vers le Nord. Je retrouve un thermique un peu plus loin au même endroit que l'avant veille. Je suis au bout de ce cross, je prends le temps de soigner le plaf pour atteindre un nouveau record du jour à 4150. Surtout je prends le temps d'admirer le paysage qui s'étend tout autour. Après quelques tours "pour le plaisir", je file vers Serre Chevalier.
Est ce qu'ils ne seraient pas un peu beaux les Ecrins ?
A 3700, plus de 1000m au dessus des crêtes que je survole, je décide de faire demi tour. Je n'ai aucune idée du fonctionnement aérologique de la vallée montant au Lautaret. Je laisse ces opportunités de vols derrière moi pour retourner là où j'ai laissé mon dernier thermique. Il est temps de boucler proprement comme l'avant veille.
Double surprise
Durant la transition pour atteindre mon déco, je me retrouve à être de plus en plus contré. Alors que je m'attendais à être poussé par la brise en basse couche, je me retrouve le nez dans le vent. Je persévère, je veux boucler ce vol au mètre près. Et voilà que je tombe sur un squateur sur mon déco. Un chamois, tranquillement entrain de brouter. Le chamois se pointe dans ma montagne et se pose pépouse pile poil là où je dois atterrir, vraiment sans gêne ceux là. Je décide donc de ne pas approcher pour le laisser tranquille, s'il faut en découdre avec un animal autant que ce soit plus du format d'un lapin ou d'un écureuil.
En plus, l'Ouest devient de plus en plus fort et turbulent à mesure que je descends. Je commence à le sentir moyen ce truc là. Demi tour en vallée pour poser à Vallouise en espérant qu'en basse couche la brise me protégera de cet Ouest. Je préfère éviter de poser à la voiture, je serais plutôt mal si le vent se fait ressentir jusqu'à Puy Alliaud.
Au dessus du village, je fais quelques exos de descente pour ne pas trainer en l'air mais Rémi me rappelle par SMS que la voiture est en haut. J'observe un peu les conditions, je ne ressens plus d'Ouest à 1900m. Au final ce ne sera pas un problème d'atterrir à Puy Alliaud.
Fin
Ce vol aura été bien mouvementé mais tellement magnifique. J'ai vu que je manquais pas mal de préparation et que je devrais m'y mettre plus sérieusement (Spoiler: je ne m'y suis pas mis de l'été. Il n'y a pas le temps, ça vole de trop !). Ces paysages étaient de la folie, le challenge du vol valait le coup, il faut maintenant que j'arrive à éviter ces épisodes où je me mets dans la mouise.
Je me suis toujours dit que j'étais très fort pour me mettre dans des situations de m**** mais aussi plutôt bon pour en ressortir. Ca c'était avant de voler avec Rémi. C'est un champion pour se planter mais il arrive toujours à en ressortir. Ce jour ci effectivement après avoir frisé avec les 1300 au dessus d'Argentière, il s'en est sorti pour rejoindre le dynamique desz Vigneaux et rentrer à Vallouise. Bien joué le gars.
Conclusion du séjour
Voilà pour ma découverte de Vallouise en 3 jours. J'ai pu voir la progression de mes vols. Chaque journée s'appuyait sur les expériences de la veille. J'ai bien profiter du potentiel de ce site qui m'a offert mes premiers 4000 et ma découverte du massif. Au final, j'ai pu y trouver tout ce que je recherchais, des vallées encaissées, de la haute montagne et des glaciers.