Let's fly dans le ch'nord (des Alpes)
Début Septembre, on avait quelques jours de congés à prendre Antoine, JB et moi (la dream team). Comme l'année dernière nous étions parti vers le Sud et que cette année le Sud était orageux, on s'est motivé à aller visiter la Savoie et la Haute Savoie en volant !
La météo n'est pas fameuse partout et encore moins dans le Sud de la France où les perspectives de cross auraient été plus probables. Tant pis, on ira se frotter aux conditions plus petites du Nord des Alpes Françaises. Avec des nuits en camping à défaut de faire du vol bivouac, nous avons amélioré notre connaissance des massifs Alpins de Savoie et Haute Savoie.
Premier jour : le Grand Bornand
La première destination est le Grand Bornand. Finis les remontées mécaniques de l'été qui permettent d'avaler les 1000m de dénivelé en 15 à 20 minutes sans une goutte de sueur. La dream team n'a pas peur de marcher des heures, surtout pour un plouf de 10 minutes !
Nous nous garons à côté de l'atterrissage du Grand Bornand et j'en profite pour leur faire un petit topo du coin, sur comment la brise souffle, où il faut faire la perte d'altitude, les transitions, les échecs déjà rencontrés, etc... Viens ensuite le moment d'enfiler notre tenue de randonneur et de mettre le sac sur les épaules.
Le chemin est assez long, en partie dans le village ou la foret. Le soleil tape moins qu'en plein mois d’Août mais la chaleur d'été est encore bien présente, d'où la couche d'inversion assez haute. Cet ombre est plus que la bienvenue avant la partie finale sur les pistes en plein cagnard. Arrivé au sommet, nous mangeons à côté de la table d'orientation, entre les crottes de moutons, histoire de nous familiariser avec les sommets du coin. Ce n'est pas tous les jours qu'on se sent un peu perdu face à un paysage inconnu. Et puis commence alors la longue attente de la mise en place des conditions.
Enfin, un nuage pointe le bout de son nez au dessus de nous. Toujours aucun parapentiste à l'horizon. Il va falloir se résoudre à envoyer un fusible, ... mais lequel... Je vous laisse deviner. JB se prépare donc, ne tenant plus en place. La fufu-itude l'appelle. Et sitôt perché à 2700m d'altitude, au dessus d'Antoine et moi, nous entamons à notre tour les préparatifs pour le rejoindre.
Pendant que nous prenons du gain, JB en profite pour aller tâter les faces Ouest des Aravis. Il est encore assez tôt, aussi le risque est que, malgré les nuages, cela ne le fasse pas trop par là bas. Mais il y a plein de vaches dans la vallée en dessous et l'atterrissage n'est pas loin non plus si besoin.
Antoine et moi prenons un autre chemin. Nous décidons de ne pas partir tout de suite sur les Aravis comme JB, nous voulons (surtout moi) explorer au Nord du Mont Lachat (le sommet duquel on a décollé) : La Pointe de Grande Combe. Il s'agit du sommet qui relie la partie Ouest des Bornes aux Aravis. Bref, de l'exploration aérologique pour un jour peut être repasser par là depuis bien plus loin.
Je m'avance donc sur cette crête en espérant reprendre du gain suite à ma transition puisqu'un joli nuage culmine bien au dessus du sommet. Mais en arrivant, j'ai du mal à trouver où cela monte. Antoine, au milieu de la transition, change de direction et part sur les Aravis où il arrivera assez bas. Pendant ce temps, JB a réussi à remonter un peu après sa transition et se dirige vers le Nord des Aravis (dans notre direction quoi).
Après quelques tours pour voir, je finis par trouver un coin qui monte, pas très sain, mais ça monte et me permet de passer sur les Aravis, au dessus du Col des Annes. Et j'arrive plus ou moins au même niveau que JB que je vois radasser. Antoine est en perdition et ne trouve rien. Il ira vacher quelques kilomètres plus loin dans un énorme champ et face à la brise.
J'arrive 50m sous JB que je vois poser en travers de la pente.
« Je vais remonter un peu à pied, les conditions sont meilleures quelques centaines de mètres plus haut ! » nous annonce-t-il en radio. « Punaise, j'ai atterri dans un champ de myrtilles, je vais me gaver ! A tout à l'heure ! »
Pendant ce temps, je cherche à mon tour désespérément de quoi remonter un peu mais ces faces Ouest ne sont pas bien allumées, pas à mon altitude en tout cas. Tant pis, je vais tenter un vol jusqu'à l'atterrissage officiel. J'ai la flemme de marcher pour rentrer.
Je repère alors une magnifique falaise qui doit bien prendre la brise puisqu'en fond de combe et avec quelques vaches à ses pieds. Je tente, au pire, je rejoins Antoine dans sa galère. Mais la falaise donne bien, c'est petit mais ça me permet de reprendre 100m. Je tente alors un gros tout droit en direction de l'atterrissage qui se trouve plus loin dans la combe derrière quelques collines.
Mais en allant tout droit, je passe régulièrement sous le vent des collines et donc des thermiques et de la brise. C'est pas méchant, mais c'est pas super agréable non plus... Finalement, j'arrive assez haut par rapport à mon point d'aboutissement et je me pose à l'endroit voulu. Une fois plié, j'attends Antoine qui rentre à pied et j'observe de loin JB en train d'essayer de redécoller, ce qu'il fera bien 45 minutes après mon posé ! Et posera peu de temps après à côté de nous. Il est temps de nous rendre au point de départ suivant.
Deuxième jour : Samoëns
Le deuxième jour, j'ai poussé pour aller voir Samoëns. Je voulais rentrer dans le Chablais, le massif le plus au Nord des deux Savoies. En plus, la veille, un parapentiste nous avait aiguillé sur un cross local qui se voulait facile et bien expliqué : https://www.leschoucas.com/theorie/Pilotage/Tour-vallee-Giffre.pdf
Le décollage officiel se trouve au pied des pistes mais il est interdit en ce moment à cause des rotations des hélicoptères pour la construction/restauration d'un télésiège. Seules certaines écoles locales ont le droit de l'utiliser. Ca nous aurait fait économiser 400m en plein soleil... Tant pis, on va marcher un peu plus.
Nous avons donc couché à Samoëns et nous nous sommes levés assez tôt pour attaquer les 1400m de dénivelés de la randonnée. Le sentier est vraiment sympa et assez efficace.
« Bon, les gars, quand on sera au soleil, je vais ralentir. Je marche beaucoup moins vite au soleil... » annonçais-je fort des mes expériences passées.
Une petite heure plus tard, sur les pentes caillouteuses des pistes de ski, j'avais largué les deux autres, ce qui me vaudra quelques sarcasmes bienveillants.
« Pour quelqu'un qui devait ralentir au soleil, t'as accéléré plutôt non ? »
Nous avons du mettre 3h30 pour monter au sommet de la station qui n'est pas sous interdiction elle. Et puis, on a regardé le décollage officiel d'en hau et on s'est dit qu'on avait bien fait : les parapentes décollant du décollage officiel ne faisaient que se faire enterrer...
Au sommet, nous avons une nouvelle fois pris connaissance des sommets alentours grâce à une table d'orientation. Nous avons aussi mangé un morceau et nous avons commencé à décomposer le cross que nous allions faire.
« Donc ça c'est le Mont Orchez » me montre JB.
« T'es sur que c'est pas celui là » lui rétorquai-je.
On a passé un petit moment à mettre des images sur des sommets pour boucler virtuellement le cross du jour. Et virtuellement, il est assez facile. On a même pu le faire plusieurs fois !
Puis quand les conditions furent meilleures, notre fusible se prépara. Mais comme on ne voulait pas lui laisser trop d'avance cette fois ci, qu'on voulait voler ensemble, on a fait de même Antoine et moi. On a donc décoller plus ou moins tous ensemble. Et après, on a quadrillé le ciel à la recherche de la pompe qui nous permettrait de donner le top départ de notre voyage.
Sauf qu'à part celle du décollage (que j'ai raté), on a pas trouvé grand chose. Je me suis essayé avec Antoine à aller au dessus des Gouilles Rouges tandis que JB s'essayait à la Pointe de la Corne. Rien, il n'y avait vraiment rien d'intéressant.
Las, nous nous sommes dirigés vers l'atterrissage de Samoëns. Mauvais endroit ? Mauvaise météo ? Parfois ça le fait mais pas aujourd'hui. Tant pis. Il faudra qu'on revienne pour faire ce fameux cross !
Troisième jour : Croise Baulet
Pour ce dernier jour (les jours suivants n'étant pas volable), nous voulions sortir des stations de ski et retourner vers les Aravis. Et puis, on ne voulait pas se remettre 1400m dans des jambes déjà bien fatiguées.
On a donc opté pour un coin connu par JB : juste à l'Est des Aravis et seulement 1000m de dénivelé. On a laissé la voiture dans un petit village nommé Le Plan, à l'Est du Col des Aravis. Et on est allé inspecté où on pouvait se poser (il faut dire qu'ici il n'y a pas d'atterrissage officiel et la vache que nous avons vu ne faisait pas non plus réver), on a discuté d'où pouvait venir la brise et surtout si il y avait des pièges aérologiques qui nous sautaient aux yeux ! Puis, on a fait comme les autres jours, on a enfilé nos sacs à dos et on a enduré plusieurs heures d'effort.
Pas de grosses difficultés à part la fatigue de la veille mais un chemin bien efficace sur une crête herbeuses de laquelle il valait mieux ne pas trébucher. Mon petit sprint de la veille s'est assez vite fait sentir dans les jambes alors que JB avançait comme un cabri loin devant. Mais le paysage avec la vue sur le Mont Blanc était simplement « Mutant » comme dirait Antoine ! C'est vrai qu'on a rarement l'occasion de le voir d'aussi près à Grenoble.
Au sommet, l'herbe était suffisemment rase pour en faire une super aire de picnic. Et on a donc profité de ce sommet pour discuter cross. Moins de prétention que les autres jours, la fatigue était là, nous voulions juste nous balader sur les faces Est des Aravis. On a donc attendu que les cycles commencent à être assez fort pour nous pour que l'on puisse tenir un peu, voir monter.
Quand enfin un nuage a pointé le bout de son nez sur notre sommet, nous avons décidé de nous mettre en l'air tous les 3 ensemble (même si in fine, c'est toujours JB qui se prépare le plus vite et s'envole en premier...). L'idée était de prospecter les thermiques ensemble et espérer passer au dessus de notre aire de picnic avant de transiter sur les Aravis.
JB a décollé et a pris une mauvaise ligne. Il s'est donc fait enterrer. Antoine s'est mis en l'air et a trouvé un petit truc. Je finissais ma prévol avec une aile mal étalée sur les herbes hautes qui n'aidaient pas, des suspentes dans les mottes de terre. Mais agréable et plus sujet à l'erreur que sur l'aire de picnic. Et comme il n'y avait pas un souffle de vent de face, j'en ai été réduit à faire un dos voile, ce que je n'apprécie pas vraiment en vol rando...
« Les mecs, quelqu'un peut me dire si j'ai un problème dans les suspentes sur mon décollage ? Je vais partir en dos voile » annonçais-je à la radio. Mais je n'eu pas de réponse. JB était en train d'essayer de tenir plus bas et Antoine enroulait du petit.
J'ai donc décollé et j'ai directement bifurqué à droite pour faire à mon tour de la prospection. Je ne ressentais pas de problème particuliers dans l'aile mais je n'ai pas fait de contrôle visuel, trop focalisé sur la recherche du thermique magique. Et j'ai rapidement trouvé un truc. Antoine m'a rejoint et JB a commencé à l'enrouler plus bas. On est assez vite passé au dessus de notre sommet.
C'est là que j'ai remarqué qu'une suspente de stab coiffait ma voile sur le côté. Cela faisait 10 minutes que je volais et je n'avais rien remarqué...
« Les mecs, je crois que j'ai une coiffante ! Je vais aller poser à la voiture » annonçais-je dépité en radio.
« Tu veux pas plutôt essayer de reposer au déco ? C'est des pentes herbeuses, ça se fait bien. » me répondit JB.
Pas bête me dis-je. Bon ba, va pour une repose au déco pour enlever tout ça. Ma première approche n'est pas une réussite, le thermique me remonte trop mais la seconde sera la bonne. Et en plus, en posant, la coiffante s'enlève toute seule. On va inspecter un peu ça avant de repartir. Pendant ce temps, JB et Antoine commencent la transition vers les Aravis.
Une fois ma mésaventure réglée, je redécolle et reprend facilement du gain pendant que les deux autres s'aventurent un peu plus au Nord des Aravis. Au moment de faire ma transition, ils font demi tour parce qu'ils commençaient à dégrader et je les rattrape à la fin de ma transition. Nous volerons à 3 jusqu'à la fin.
Nous partons donc ensuite vers le Sud des Aravis. La masse d'air n'est pas agréable, je sens qu'on est sous le vent de la crête mais les autres avancent encore. Les thermiques sont soit assez hachés ou soit assez puissants pour que cela nécessite de tenir nos ailes. Mais on continue vers le Sud.
Juste avant le Col des Aravis, nous transitons vers la Tête du Torraz. Pendant la transition, JB nous fait part de son ressenti.
« C'était dégueulasse sous les crêtes, non ? »
« Ouais ! » répond Antoine
« Ouais ! » répondis-je à mon tour.
« Pourquoi on a continué alors ? »
« Ba, vous avanciez donc je suivais » répond Antoine.
« Ouais moi aussi ! » répondis-je également.
Beau phénomène d'effet de groupe et de non communication au sein du groupe...
Mais après la transition en face, c'est meilleur, plus sain. Nous prenons les cycles matérialisés par des nuages mais la motivation pour aller plus loin n'est pas là. Les crêtes de ces bas reliefs qui s'offrent à nous ne motivent personne. Nous rentrons donc sagement à la voiture, content du vol d'aujourd'hui mais en faisant attention à l'atterrissage (qui n'en est pas un).
Ce furent 3 jours crevant. On est clairement pas prêt pour les X-Alps ;-)