Un grand grand tour de Grenoble
Parfois l'opportunisme paye ! C'est ce qui nous a permit de pratiquement boucler un des plus beaux cross de la région Grenobloise. Avec 7h de vol, un passage par le Vercors, la Chartreuse et Belledonne, JB, Antoine et moi avons fait le tour le plus long de notre carrière aérienne.
Ce vendredi, les plafonds étaient annoncés haut, très haut, de l'ordre de 3000m par endroit. Seul point sombre au tableau, un Ouest un peu féroce faisait parti des prévisions. Et puis, c'est l'été, période où l'activité thermique est plus favorable en altitude. Généralement, un décollage en Ouest aurait été préférable mais rien n'empêche d'aller voir ce que ça donne tôt le matin sur une face Est comme le Col Vert. Au pire, on redescend à pied et on va voler sur une face Ouest en début d'après midi.
Après un lever assez tôt (7h30), un plan logistique un brin complexe (une voiture à Grenoble, une voiture au Gua et une voiture au Col Vert) et des plans sur la comète un peu ambitieux (genre, de boucler le tour en posant au stade du Gua), nous arrivons vers 10h30 au Col Vert. Un tantinet anxieux de l'Ouest et des conditions au décollage, nous sommes rapidement rassurés par quelques voiles en l'air (des Enzo même si ce n'est pas gage de qualité de la masse d'air mais aussi des Hook). Nous mangeons un morceau en préparant le plan de vol : cap au Nord, on va rejoindre les copains qui décollent de Saint Hilaire.
« Bon les gars, ma radio n'a plus de batterie ! » nous annonce JB.
Merde... Mais la solution est toute trouvée :
« Je l'allumerai que sur les moments clés pour prendre des informations. »
Nous décollons vers 11h15. La face Est donne déjà bien et la sortie sur les crêtes se fait sans difficulté. Les rouleaux redoutés sont finalement absent. Tant mieux, c'est personnellement ce que je redoutais le plus. Je sais à quel point, ça peut être désagréable de voler sous des rouleaux, surtout si les thermiques ne les transpercent pas pour pouvoir passer au dessus des crêtes.
Pour ne pas arriver trop tôt en Chartreuse, nous décidons de partir au Sud, vers le Grand Veymont. La crête donne bien et nous n'avons aucune difficulté à rester au dessus. Les nuages se forment au Sud mais rien d'inquiétant. Le passage des Deux Sœurs est toujours aussi turbulent mais nous ne restons pas longtemps.
On alterne, parfois JB est devant, parfois c'est moi ou Antoine. De toute façon d'autres aéronefs pullulent dans le ciel et nous montrent la voie à suivre et la position des thermiques. Les planeurs, par formation de 5, font des aller-retours entre la Grande Moucherolle et le Grand Veymont. Et puis finalement, je prends de l'avance sur l'équipe et vais toucher le Petit Veymont pour faire mon point au Sud avant de repartir vers le Nord. Les deux autres sont sur mes talons.
Sur le retour, JB prend de l'avance (et je ne comprend pas comment il fait pour aller si vite). Je me fais un peu contrer par du Nord-Ouest et chahuter par les fait d'être sous le vent de thermiques. Il avouera plus tard qu'il est remonté au Nord au premier barreau... J'aurais du faire pareil... A l'approche de la Grande Moucherolle, un nuage se forme qui nous oblige à le contourner, voir à le survoler. C'est assez irréaliste d'être sur son côté. Cela donne des couleurs et des ombres que l'on ne voit que rarement.
« Yahouuuuu ! » crie JB à la radio. Pas sur que ce soit un moment clé pour la prise d'information en radio ;-)
Notre altitude nous permet de continuer sur les crêtes jusqu'au Moucherotte. A ce moment là, nous en sommes à 2h de vol et nous allons nous attaquer à la transition la plus impressionnante du secteur : nous allons survoler Grenoble pour rejoindre la Chartreuse. La TMA de Grenoble ayant une limite haute à 1200m, nous sommes forcés de prendre du gain sur le Moucherotte pour ne pas la traverser et rester constamment au dessus.
Mais le Moucherotte est capricieux, les thermiques sont difficiles à trouver et à centrer. Nous sommes obligé de zigzaguer entre les nuages pour monter. Les nuages, issus des thermiques, nous donnent l'impression de chuter tellement ils montent plus vite que nous. Je parviens péniblement à 2770m et décide d'abandonner mes collègues un peu plus bas. J'ai un créneau, il faut en profiter. Et puis, ça va faire du bien de se reposer dans la transition, cela fait 2h qu'on vole.
Je mange un morceau, je bois un coup, je délasse mes bras et je profite du spectacle. A la radio, j'entends qu'Antoine a atteint 2550m et entame à son tour la transition. Super, on sera au moins 2 en face, même s'il pars d'un peu bas... JB galère toujours à prendre du gain au Moucherotte. Il partira finalement 15 minutes après moi à une altitude de 2550m, non sans mal.
De mon côté, je passe entre la Bastille et le Rachais et je raccroche au Saint Eynard où une nuée de parapentiste est perchée au dessus des crêtes. Je tente de m'extraire depuis la face Sud mais je n'arrive à rien. Tant pis, je vais le faire à l'ancienne, je vais suivre les crêtes par le dessous jusqu'à remonter au dessus. Et ça le fait !
« Je suis dans la merde les gars, je crois que j'ai mordu la TMA » annonce JB à la radio. « Et puis je suis en galère au Rachais, je crois que ça va pas le faire pour moi. »
« Accroche toi JB, tu vas remonter » répond Antoine. « Rémi a réussi à se refaire au Saint Eynard. »
JB parviendra à reprendre du gain au Rachais pour rejoindre Antoine qui avait également galéré dans le coin pour remonter. Pendant ce temps là, je suis arrivé au Bec Charvet. J'ai bien 20 minutes d'avance sur l'équipe. Le Bec n'est pas fameux alors je vais sur le pilier de la Dent. Mais ce dernier n'est pas fumant alors je fais à l'ancienne, j'essaye de remonter sur la crête en la longeant par dessous (comme au Saint Eynard quoi). Cela sera l'erreur de mon vol. J'arrive à cheminer sous la crête jusqu'au Dôme de Bellefont mais je suis trop bas et ne trouve rien pour repasser au dessus. Je crois que j'ai été gourmand à ne pas monter sur la Dent. Demi-tour donc.
Je radasse jusqu'à un point bas à 1400m sous la Dent. Je me vois déjà en train de devoir repartir aux antennes et faire la classique depuis Saint Hilaire pour remonter sur la Dent. Mais miracle, je trouve un truc entre les arbres, suffisant pour me remettre en selle. En remontant, je découvre que JB et Antoine viennent d'arriver sur le pilier et que Lionel enroule avec nous.
« C'est gentil de m'avoir attendu » me remercie JB.
« C'est bien normal » répondis-je, dans un faux-cullisme de haut vol ;-)
Mais en fait, c'était pas si mal qu'on se rassemble, ça a bien aidé pour la suite. La crête n'est pas si bonne que ça et il faut refaire du gain de temps en temps. Peu de voiles sont dans notre entourage proche aussi avoir un oeil sur les copains aident à comprendre la masse d'air.
« Bon, on va au Granier ou on transite ? » demande Antoine.
« Saint Genis !! » nous répondons sans hésitation avec JB.
Plus bas, Lionel s'en va en direction du Granier, sous les crêtes. Impossible de lui dire ce que j'ai vécu quelques minutes plus tôt, il ne s'est pas calé sur la bonne fréquence, comme le reste du club d'ailleurs... Tant pis pour lui, il comprendra tôt ou tard.
Nous trouvons un petit thermique qui nous propulse à 2700m d'altitude. Et cette fois, nous partons tous les 3 ensemble. A ce moment là, cela fait 4h30 que nous volons. Heureusement qu'il y a ces transitions pour souffler un peu et manger. Par contre, mon vario-téléphone commence à montrer une baisse significative de batterie... Je me résous à l'éteindre lorsque j'estime que le vario n'est pas nécessaire. A part le Saint Genis, il restera éteint jusqu'à mon arrivée, 2h30 plus tard.
Bien que nous arrivions tous au dessus du Saint Genis, il y a 100m d'écart entre moi et les deux autres. C'est assez flagrant sur cette transition, les Spantik 2 ça plane mieux que les Leaf ;-)
« J'ai atteint le Colombier, je rentre » déclare Julien en radio (au moins il est sur la bonne fréquence lui).
« Je m'essaye jusqu'au Roc de Boeufs » lui répond Franck. C'est cool ça, qu'ils aient réussi à aller aussi loin. Mais va falloir rentrer les gens !
Au Saint Genis, je perturbe l'équipe en continuant sur la crête sans avoir fait le plafond. Les deux autres me suivent. Ba oui, on a du gain, pas la peine de faire le plafond ! Erreur ! Nous allons galérer un moment sur le sommet Ouest au dessus du Col du Barioz pour prendre du gain. D'autres voiles arrivent, ça commence à être compliqué de ne pas se gêner. Finalement, je vais suivre un gun et passer sous le Crêt du poulet (mais vraiment bas, à 1350m) en espérant me refaire sur la foret.
Je dépasse le Crêt du Poulet, non sans y laisser quelques précieuses minutes à enrouler. J'éteins aussitôt mon téléphone. JB et Lionel me suivent, quelques minutes derrière moi. Tiens Lionel est parmi nous. J'ai été mauvaise langue, finalement il a réussi à se refaire plus loin et à transiter quelques minutes après nous.
Antoine est en train de ratisser la foret, cherchant quelque chose qui le sorte de l'enfer vert qui s'étend sous ses pieds. Je prends alors de l'avance sur les autres et pars en direction de Chamrousse.
Le plateau des Sept Laux se fait sans encombre, il suffit de reprendre du gain de temps en temps. Plus bas, deux guns sont à 100m sol et continuent d'avancer vers le Sud. Le Jas des Lièvres est assez difficile à négocier, notamment pour trouver un thermique qui porte assez haut. Mais en cherchant bien, je trouve un truc et entame la transition en direction d'Orionde.
« Je suis à 2500 au dessus du Cret du Poulet » nous annonce Antoine en radio. Parfait, il est sorti d'affaire. Belledonne est relativement accueillant aujourd'hui, il n'aura aucun mal à aller là où je me trouve. JB et Lionel sont sur mes talons, une transition de retard sur moi. Mais à partir de là, JB sera silencieux en radio, sa batterie a rendu l'âme. Et Lionel décidera de rentrer à Lumbin.
A Orionde, je suis accueillis par un thermique bien large qui m'amène au dessus du Grand Replomb (du +3m/s pour m'amener à 2900m)). A partir de ce point, c'est l'inconnu pour moi. Je n'ai jamais fait le trajet Orionde vers Grand Colomb. J'avais eu l'occasion au travers de mes différents vols de faire le chemin depuis le col Vert par petit bout. Mais là commence l'inconnu pour moi. Je ne sais pas sur quel sommet il faut que je partes, ni les altitudes auxquelles je dois faire mes transitions.
Du coup, on va pas faire comme à la Dent ou au Saint Genis, on va bien faire les plafonds à chaque point de passage. Et puis sans vario, on va s'en remettre au ressenti et bien analyser le relief pour estimer où sont les thermiques. On va ouvrir grand les yeux et on va réfléchir !
Direction donc le col de Sitre qui me permettra de remonter un peu pour tirer jusqu'au col du Loup et enfin jusqu'au Grand Colon. A partir de là, je connais un peu mieux et je monte à 2900m. Les voiles alentours m'indiquent où me placer mais aucune n'est au sommet ! Je sais qu'il y a un truc. Tant pis, j'y vais tout seul au sommet.
« Aller, je suis à 2900m au Grand Colon ! Il me reste une transition sur Chamrousse puis une longue inconnue sur Vif pour boucler ! Ça va le faire ! » me dis-je.
Ça tombe bien que ce soit bientôt fini, j'ai une énorme envie d'aller au toilettes !! A vue de nez, il me reste 30 minutes à tout casser, je peux tenir jusque là. Et la radio est désespérément calme. Julien vache sur le retour des Bauges et Franck vache à Pontcharra. Pas facile ces avant-relief de Belledonne aujourd'hui.
J'arrive à la Croix de Chamrousse mais je ne me souviens plus de l'altitude qu'il faut avoir pour faire la transition finale sur Vif. Je ne me souviens plus également où cette altitude maximale doit être atteinte. A la Croix ? A l'aiguille ? Sur la ville elle-même ? Et personne ne répond en radio. C'est un peu la déchéance, si proche et pourtant si loin ! De toute façon, je n'arrive pas à monter plus haut que 2500m à la Croix et comme il y a de l'Ouest, je sens que ça va mal finir. Il me faudrait plus avec cet Ouest. Tant pis, je vais poser à Uriage. Le vol est déjà magnifique mais là, la dernière transition semble irréalisable. Ce n'est que partie remise !
Je pose en douceur à Uriage et annonce à la radio que j'ai posé. Antoine se résout également et vient me rejoindre. JB ? JB il communique en What's App comme il n'a plus de radio. Mais lui décide de tenter de boucler. Mais il posera à Jarrie. C'est que les lignes à haute tensions qui traversent la vallée font pas rire les mouches ! Au total, j'aurais volé 7h12 et Antoine et JB aux alentours de 7h30. Nos plus gros vols de tous les temps. Mais ce n'est pas fini, il faut récupérer les voitures...
C'est à partir de là que la X-LAELC commence. Le choix des itinéraires est important. JB est devant nous et se dirige vers Échirolles en stop. Pendant ce temps là, Antoine et moi prenons un covoiturage pour Ikea. JB est sur le point de prendre le bus pour le Gua. On risque d'arriver après lui ! Alors on prend à notre tour le bus qui nous ramène chez moi. De là, je récupère ma voiture et nous partons récupérer JB à Échirolles. Ouf, on ne s'est pas perdu de vue sur la rot'. Le retour à Grenoble se fait aux alentours de 22h. On fini par un bière pour débriefer cette longue journée.
Au final, nous aurons tous appris de ce vol. Pour ma part, il faut que je revois certains points sur mon matériel (ajout d'une batterie externe si je veux utiliser mon téléphone comme vario), que je revois aussi ma gestion des envies pressantes et peut être que je complète mon plateau-repas aérien. Enfin, que faire les plafonds parfois ça aide à pas perdre du temps après (mais pas tout le temps). Bref, un vol magnifique et beaucoup de leçons apprises. Comme quoi, c'est enrichissant de sortir de sa zone de confort. Et puis, ça montre que le parapente c'est aussi un sport d'opportunisme qui paye parfois, comme cette fois là.