Les Souffles du renoncement

Les Souffles du renoncement

Automne rime avec vol rando, et neige avec fondue. Pourquoi alors ne pas fusionner les deux en vol-refuge-fondue-rando ? Même si l'idée initiale n'avait plus grand chose à voir avec ce que nous avons fait, ces deux jours en montagne furent riche en myrtilles, fromages et enseignements.

Ça faisait un petit moment qu'on y pensait. On se disait que ça pourrait être sympa de monter le caquelon, la fondue, les voiles et les duvets pour dormir au Habert des Jarlons, vers Orionde, et peut être décoller du Grand Replomb le lendemain, après nous être fait une bonne fondue ! L'idée, en tout cas, en chauffe quelques uns.

Sitôt la date fixée et le mail envoyé, nous restons collés aux prévisions et les observons attentivement en vue de ce fameux WE. Le samedi semble pas mal mais le dimanche semble incertain avec un vent de Nord-Est annoncé. En plus, des nuages bas sont annoncés. Bref, tous les voyants sont au rouge.

Nous prenons alors la décision de garder le concept mais de le mettre en pratique ailleurs, au refuge de Souffles, dans le Valgaudemar. Le secteur semble plus abrité du Nord-Est et présente une face Sud sur laquelle, la brise et les thermiques peuvent s'épanouir plus facilement, nous permettant d'espérer pouvoir voler sereinement sans craindre la moindre rentrée du Nord.

Après quelques désistements (je ne citerai pas les noms), nous nous retrouvons à cinq : JB, Léa, JC, Antoine et moi-même, pour aller nous frotter à ce lieu que seul JB connaît. Le Valgaudemar, c'est pas la porte à côté mais au moins, c'est un lieu reculé où nous serons quasiment les seuls à dormir au refuge. Enfin, c'est ce qu'on croyait.

Sur le départ, au parking

Après un lieu de rencontre compliqué à atteindre (Comboire, un samedi...) et 1h30 de route, nous sommes fin prêt pour notre périple. Nous prenons soin de repérer l'atterrissage non officiel et d'y placer une flammèche pour notre vol du lendemain. Et enfin, nous finalisons les sacs.

« On monte combien de bouteilles de blanc ? Une ou deux ? » demande JB.

« Moi, j'ai une bouteille de rouge ! » annonce Léa.

« Donc une seule ? Et je prends les bières aussi ? » reprend JB.

« On prend tout non ? On est 5, ça va le faire. Et puis, on va utiliser une demi bouteille de blanc pour la fondue, non ? » renchérit Antoine.

Tout le monde fini par adhérer à cet argumentaire.

La montée est tranquille avec des pauses régulièrement pour nous désaltérer, contempler le paysage ou cueillir des myrtilles. Nous croisons un père et sa fille au départ qui vont rapidement nous distancer. Et sur la fin, un autre père et sa fille qui vont nous doubler allégrement. Finalement, on sera 5 + 2 + 2 = 9, non ?

Mais en fait non. En arrivant, tous les dortoirs du refuge d'hiver sont quasiment plein. Nous avons juste le temps de déposer nos duvets sur 5 matelas qu'un dernier groupe de 3 arrive. Nous serons donc 20 pour 18 couchages. On pensait être tout seul, on est surpris de voir autant de monde ce WE là.

Une fois les dortoirs réservés, nous nous attelons à prendre l'apéro. C'est qu'on est pas monté que pour voler, hein ! Nous invitons le père et sa fille de 11 ans (les premiers que nous avons croisé à la montée) à se joindre à nous, ainsi qu'un randonneur esseulé par plusieurs jours d'itinérance dans les Ecrins.

Lorsque le froid commence à se faire sentir plus durement, nous décidons de rentrer et de commencer une partie de Code Name, que Léa avait monté. S'en suit alors des rigolades, des moments de réflexion ou des jeux de mots compliqués qui accompagnent généralement ce genre de jeu.

Viens enfin le temps de la fondue, attendue avec impatience depuis le début de la semaine. Et elle passe plutôt bien cette fondue, surtout en la partageant avec la jeune fille et son père. Après tout, ils sont montés pour lui fêter ses 12 ans, on va se joindre à la fête ! Elle s'en souviendra plus longtemps.

Après une nuit plutôt bruyante (un ronfleur hors catégorie s'était installé dans le dortoir...) et un peu chaude (le dortoir était complet, je vous raconte pas les watts générés par tout ce beau monde), nous sommes accueillis par un gâteau d'anniversaire, des ballons et surtout un magnifique brouillard. De quoi nous faire patienter encore quelques heures en jouant au Code Name une nouvelle fois.

Vers midi, aucune amélioration de la visibilité ne transparaît aux alentours du refuge. Nous prenons alors la décision de monter au col des Clochettes, lieu de décollage officiel de JB. Nous évoluons dans le brouillard pendant un long moment et, arrivé au col, nous laissons les sacs pour nous rendre sur un petit éperon duquel nous aurons une meilleure vue pour évaluer l'évolution des nuages.

En regardant le ciel, nous avons l'impression que des trouées se forment, laissant apparaître le fond de vallée. Mais nous ne savons pas à quelle altitude est la base des nuages. Nous espérons alors que le nuage monte ou se dissipe avec l'arrivée du soleil. Commence alors la compétence propre du parapentiste : le para-waiting !

« On dirait que ça s'améliore, non ? » lance Antoine.

« Oui, on a vu un trouée mais elle s'est vite refermée ! » répond JB.

... Quelques minutes plus tard ...

« Ça va le faire, le nuage va se désagréger tranquillement. Ou alors la brise va s'installer en bas et le forcer à monter. »

... Quelques minutes plus tard ...

« Regardez, le nuage a complètement envahi cette vallée mais pas celle là. Je suis sur qu'il y a un moyen de décoller, on voit des trouées de temps en temps, ça s'améliore. »

... Quelques minutes plus tard ...

« La brise va se mettre en place, on voit de temps en temps le fond de vallée. Ca va le faire ! »

Cet échange, c'est ce qu'on appelle un biais de confirmation, on ne voyait que les informations qui allaient dans notre sens. Mais la raison a eu raison de nous : après 2h d'attente, ainsi que 30 minutes d'attente supplémentaire après l'horaire définitif que nous nous étions fixés (à 14h), nous avons cherché à descendre plus bas pour voir si on avait pas moyen de décoller.

Plus bas, nous avons trouvé un nouveau coin qui possédait une belle pelouse pour décoller. Mais le nuage était toujours là. Alors, on a attendu 10 minutes supplémentaires pour voir comment ça évoluait. On faisait des plans sur la comète.

« Tu vois, si on décolle de ce relief plus loin, y a peut être moyen ! »

Ou encore :

« Si on arrive à passer au dessus du nuage et rejoindre l'autre côté de la vallée, je suis sur que ça passe. Y a pas de nuage accroché au relief en face. »

Finalement, on a décidé de rentrer à la voiture à pied. Le renoncement fut difficile et on a espéré jusqu'au bout pouvoir décoller, même lorsque nous sommes passés sous le nuage (en tout cas pour ma part), mais à ce moment là, ce sont les décollages qui ont fait défaut.

Tant pis pour le vol, la fondue était excellente et les rencontres, mémorables. On se souviendra longtemps de ce jour lorsqu'on en rediscutera. Le renoncement fut un exercice difficile, surtout avec le poids des sacs qui faisait pencher la balance du mauvais côté. Mais, nous avons malgré tout beaucoup appris une fois encore !