Les Écrins vus de (très) haut

Les Écrins vus de (très) haut

Mes deux semaines de vacances à Briançon début août m'ont permis de bien repérer le coin en vol, et de réaliser un de mes rêves : survoler la Barre des écrins... 2 fois ! Me voilà de retour le WE d'après, avec un dimanche aux prévisions débiles et des ambitions plein la tête.

Cette fois-ci je suis seul du club, Vallouise ça fait loin pour un vol à la journée, mais j'étais déjà dans le coin alors tant qu'à faire... Petite inquiétude la veille avec des prévisions toujours folles dans les écrins mais des risques de développements orageux dans le Queyras, donc à 30 km de là.

Pas mal de gens au déco, tout le monde met des doudounes, des manchons et sors les cocons et les ailes allongées. Quelques barbules sur les sommets et le ciel bleu me rassurent : je suis au bon endroit. Et cette fois-ci j'ai un cocon, histoire d'éviter de poser à cause du froid comme la dernière fois !

Décollage vers 11h, une extraction plutôt lente mais je commence à connaître le coin : pas d’affolement, ça monte doucement mais ça monte. 3400 au dessus de la Blanche (le Château Nardent local), bon bah au moins c'est clair : c'est fumant !

Le sommet du Pelvoux est caché par des petits nuages, je commence à cogiter et à changer mes plans. Passer au dessus des écrins ok, mais avec du gaz ! Pas question de galérer sous les nuages et entre les cols. Peut être partir vers le sud? J'ai bien fait mes devoirs et j'ai pas mal d'options en tête, du petit vol en local jusqu'au cross de mes rêves, mais le sud je ne l'avais pas trop envisagé...

Je m'approche des Bans, enroule sur le côté du nuage, 3500, 3900, 4000 ! Au delà de la crête de l'Ailefroide coiffée par un petit cumulus, j'aperçois la Barre : que du bleu, et une aile qui s'y dirige déjà. Un gros youhou plus tard et mes doutes balayés, je remets à zéro toutes mes réflexions et me reconcentre sur mon plan le plus ambitieux.

Le survol des écrins se passe plus que bien, balisé par quelques ailes, dont certains qui crient leur joie en enroulant (et à qui je répond bien entendu !). Je retrouverai d'ailleurs l'un d'entre eux sur un forum un mois plus tard, qui me passera une vidéo de notre bout de vol commun ! Je connais pratiquement tous les sommets ou refuges que je survole pour en avoir fréquenté une bonne partie à pieds. J'ai un sourire de gosse bien caché sous ma doudoune, malgré un début d'onglée aux mains (qui partira vite). Les plafonds sont indécents : 4500m au dessus de la Barre, 4300m à la Meije. La Meije ! Un rêve, que ça soit en parapente ou en Alpinisme, à demi réalisé : reste plus qu'à grimper dessus. Pas sur que ça soit la partie la plus facile, car vu de dessus le glacier carré commence à ne plus trop mériter son nom et est plus noir que blanc.

Spantik sur fond de barre des écrins - Merci à Denis pour la photo !

Je savoure mais en même temps j'analyse le ciel au dessus du Queyras. Les cumulus grossissent mais ne sont pas encore menaçants. Cap sur le Granon ! Je ne prends pas le chemin le plus direct pour continuer à profiter des gros plafonds des écrins. En regardant les traces plus tard, c'était une belle erreur : les plafs étaient aussi haut en y allant tout droit ! Du coup je me retrouve à faire un point bas au dessus du glacier blanc. Enfin un point bas à 3100... On s'habitue vite à être perché tout le temps ! Une aile orange me montre la porte de sortie, retour à 4000 et première grosse transition. J'en profite pour me soulager, et j'arrive même à le faire sans trop arroser le cocon (tant mieux parce que c'est pas le mien...) !

Ma concentration baisse un peu et j'arrive dans la vallée de la Guisane, où la brise est forte et le thermique taquin. Je me fait réveiller par la fermeture d'une demi aile. Un gros contre (il réagit bien ce cocon !), allez JB on se réveille la journée est pas finie, pilotage actif ! Presque que des planeurs dans le coin. Ah tiens une voile. La vache elle est haut... Je suis à combien? 3600? Vache elle est vraiment très très haut. Et elle me montre le chemin vers le Queyras. La crête au dessus du Granon est une confluence de brises, du coup je me retrouve à 4200 malgré l'altitude plus modeste des sommets (2600). Il est 16h, j'ai encore du jus, et j'aperçois des champs en bas de la route du col de l'Izoard. Les cumulus ont un peu dégonflé, sont montés, et le ciel s'est ouvert : tout les voyants sont au vert, banzai !

20 minutes plus tard, je suis à 2700 sous le Pic de Rochebrune. Altitude plus que confortable quand on est au dessus de la Dent de Crolles, mais ici j'ai l'impression d'être par terre, en train de me faire casser la gueule dans un thermique haché. Je sens aussi que j'ai bien tapé dans les réserves, et que je ne suis plus en mesure de rester dans ce coin malsain. Je change un peu de zone et trouve enfin le thermique qui monte au joli cum au dessus de ma tête, 4200 (on s'y fait vite !), cap sur l'atterro !

Quelques tours sur la dernière crête pour assurer le retour, mais pas trop haut non plus, parce que je suis en passe de me pisser dessus. La transition chahute trop, ça attendra d'être posé, mouillé s'il le faut, mais entier ! Ah bah j'arrive haut quand même, si je pose en haut ça raccourcira le vol, même si c'est moins plat... Ma seule vraie erreur sur ce vol, heureusement sans conséquence. Je finis sur mes 2 pieds en douceur et à 5min de la voiture, mais après m'être fait franchement chahuter à 10m sol, sous le vent de la brise.

C'était un vol magique dans un massif dont je suis amoureux. Et pour la première fois de ma vie de parapentiste, je boucle le plan le plus fou que j'avais imaginé en avance. Rêver de vols infaisables peut parfois être productif !