Un sous le vent pas bien sympa
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Un petit retex pour partager LA fois où je me suis fait peur en vol durant l'année 2024.
Contexte
Voilà 3 jours que je suis en vacances à Ceillac dans le Queyras. Je ne connaissais pas du tout le coin avant cette semaine. En étudiant, les traces des cross du coin, je comprends que je vais devoir sortir des sentiers battus pour réaliser un cross qui quitte la vallée. On est bien loin des autoroutes des Alpes du Nord.
Le premier jour me permet de découvrir des vols rando dans le coin et de faire un tour de la vallée en vol. Le deuxième jour me permet de faire un des plus beau vol de ma vie. En partant du fond de la vallée au-dessus du lac Sainte-Anne, j'ai pu remonter l'Ubaye puis aller vers la Bleone pour ensuite revenir dans la vallée de la Durance mais avec un retour bien plus technique que d'habitude.
Ayant réalisé ce magnifique vol, je garde en tête qu'il faut bien faire gaffe aux brises très forte des environs. Mais je me dis qu'il n'y a rien d'insurmontable pour sortir de la vallée.
Après une troisième journée a faire des biplaces en local. Je me motive le quatrième jour pour tenter une nouvelle sortie de la vallée direction le Haut-Ubaye.
Récit
Pour commencer voici la trace GPS du vol.
Après une montée a pied, je décolle de la Crête de Mourière au SO de Ceillac. Il a fallu me battre un peu de temps en basse couche pour atteindre le haut des crêtes. Au plaf, je sentais un vent de Nord marqué mais qui n'a pas été désagréable. Je note d'y faire attention. Je suis les crêtes jusqu'au Col Girardin au dessus du lac Sainte-Anne. Ce col délimite le Queyras et le Haut-Ubaye.
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Lors de mon précédent cross, le passage de ce col a été plutôt mouvementé. Du vent coulait depuis le Queyras et le thermique suivant était un peu désagréable. J'ai donc voulu m'assurer que je n'aurais pas de problème cette fois-ci. Je longe tout le col pour analyser le moindre flux venant du Queyras mais je ne perçois rien.
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J'arrive de l'autre côté du col au moment où je dois prendre une décision entre rester dans le Queyras et l'Ubaye. A cet instant tous les feux sont au vert. Je bascule côté Ubaye. La seconde d'après, je me sens écrasé par un flux venant du Queyras. Je ne peux déjà plus faire demi tour.
Je tente de fuir ce flux coulant du col en me cachant derrière le sommet de la Tête de Girardin plus loin sur la crête. J'espère que ce flux que j'associe au vent météo reste canalisé dans ce col et le suivant. Je ne trouve toujours pas de thermique et au contraire, je continue à descendre dans une masse d'air turbulente. Je continue vers le relief de l'autre côté du Col Tronchet en espérant toujours me cacher du vent.
Je suis tendu, à l'affut du moindre mouvement de ma voile, prêt à piloter en cas d'incident. Mais malgré cela, en milieu de traversée, ma voile effectue une attaque oblique extrêmement vive. Au moment où je peux réagir, je comprends que je suis totalement en retard. Que la moindre action sur les commandes seraient maintenant hors timing et donc du surpilotage. Je me concentre donc à écarter les élévateurs pour éviter le twist et je me focalise pour regarder comment s'en sort ma voile pour lancer de suite mon secours en cas de problème: un twist, secours, une rotation avec cravate, secours. Le sol n'est pas loin. Finalement, la voile encaisse bien. Il est possible quelle ferme en partie mais je pense que non, je ne m'en souviens plus. Je repars en vol droit stabilisé après avec eux un changement de cap à 90°.
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La zone est toujours turbulente, je continue plus loin. J'essaie de monter au dessus de la crête en reprenant mes esprits. Sur ce coup là, j'ai particulièrement pris peur. Je gagne 200m avant de perdre le thermique. Je tente de m'approcher de la crête pour revenir dans le Queyras. Mais je perds trop de hauteur. Je reviens vers le précédent thermique. La masse d'air est toujours turbulente. Il est temps d'arrêter les frais. Il n'y a rien de sain dans la zone. Je m'écarte vers la vallée et je retraverse la combe du Col Tronchet pour poser dans la pente et remonter à pied au Col Girardin.
Assez vite, je me rends compte que je suis maintenant totalement dans l'influence de la brise venant en OSO. Malheureusement, elle n'est pas moins turbulente que la zone plus haut. J'avance péniblement face à la brise pour poser dans des alpages proche d'un sentier.
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Me voilà les pieds au sol et bien heureux de ne plus être en l'air. Mécontent de cette erreur d'analyse qui m'a plongé dans cette mauvaise passe mais heureux d'avoir su réagir ensuite. Un marmotte que j'ai dérangé me lance ce que j'imagine être de grands "Tocaaaaaaaard !!!" en sifflant... et elle a bien raison.
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Analyse en rando
Il me reste maintenant plus qu'à me rendre au Col Girardin à pied pour revenir dans le Queyras.
Sur le chemin, j'observe les conditions. Je reste tout le début de la marche dans un flux de brise. Puis 300m sous le col, vers 2400. Je sens à nouveau de flux de météo en NO qui m'a mis sous le vent de la crête. J'ai ressenti ce vent bien marqué jusqu'à un peu avant le col où le flux s'est affaibli. De l'autre côté du col, l'aérologie et l'intensité du flux d'air ne me laisse pas pas penser qu'il est possible de se retrouver dangereusement sous le vent.
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Analyse
Aérologie
J'avais bien senti le vent météo en NO haut mais arrivé au passage du Col Girardin, je ne l'ai pas perçu. Mon arrivée au col en rando m'a ensuite montré que la masse d'air sous le vent pouvait être bien plus turbulente et forte que ce que la masse d'air au versant au vent pouvait le laisser pressentir. J'essayerais maintenant d'être plus méfiant sur ce point.
Gestion de l'incident
D'un côté la vivacité du shoot de ma voile m'a totalement pris de vitesse alors que je m'attendais à un sketch. D'un autre côté, j'ai été rassuré de ma réaction à ne pas vouloir temporiser à tout prix, même hors timing. Et surtout, j'ai pensé à utiliser le secours directement dès le début du vrac sans attendre d'être totalement en galère. Avant cet évènement, je n'étais pas sûr de ne pas être sujet aux différents biais cognitifs qui font malheureusement s'accidenter de nombreux pilotes sans même avoir ouvert leurs secours. J'ai vu que j'étais prêt à utiliser mon secours au bon moment, sans sur-réagir non plus au premier incident impressionnant.
En cela, je pense que les acrobates ont un gros avantage sur les crosseux qui ne font pas d'acro (Comme moi): Ils ont déjà mentalisé et sont préparés à lancer leur secours.